Le voici enfin sur ma table de nuit ce troisième volet des amours auto-romanesques de Philippe Besson. Dès les premières pages du bouquin, avec le souvenir en moi des deux précédents, je me convaincs qu'il s'agit bien d'un roman. Car, à dire vrai, ce dîner - ou devrais-je dire ce souper - entre vieilles connaissances paraît trop beau pour être vrai. Avec le parti pris de ne pas tout prendre au pied de la lettre, je peux maintenant savourer sans honte la verve fine et maligne de l'écrivain, cette fois-ci mise au service d'un huis-clos à quatre voix dans un restaurant du quartier gay de la grande métropole québécoise.
Unité de temps et de lieu comme dans le théâtre classique, le récit ne tient pas dans l'action mais dans les souvenirs, l'intime, l'audace et l'éloquence. Paul se présente devant l'écrivain au cours d'une signature dans une librairie. Philippe y voit immédiatement, presque inconsciemment, l'opportunité de combler son histoire avec Paul, terminée douloureusement en 1989. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que Paul a besoin de cette confrontation au moins autant que lui. Dix-huit ans plus tard, autour d'une table et entourés de leurs conjoints, ils mettront les pieds dans le plat pour se bousculer l'un l'autre, remplir les blancs manquants de leur histoire, et ainsi avancer. Ils fabriqueront un joli épilogue pour un livre sensible qui m'a touché davantage que le précédent, mais moins que le premier.