Je précise que malgré le titre, le livre existe bien en français pour les moins anglophones d'entre vous.
Aaaaah, c'est chiant, un gamer : jamais content. On lui fait cracher 70 bastos et ça gueule pour une petite centaines de bugs, des micro-transactions ou une durée de vie plus courte que celle d'un paquet de céréales devant un zombie vegan. Et c'est que ça s'imagine en plus que les développeurs n'en foutent pas une rame.
Ami(e) joueur/joueuse, si tu te reconnais, si tu partages en ricanant ce screen tordant ou l'épée de ton perso traverse la gueule d'un PNJ ou que tu twittes régulièrement ta haine des DLC et de ces gros enc*** d'éditeurs feignants, ce livre est fait pour toi.
Le crunch, c'est pas seulement du chocolat
J'aime le jeu vidéo. Fortement. Pas seulement sur le plan ludique, mais pour son aspect media, aussi : son histoire, son évolution et toutes autres considérations qui feront les beaux jours d'Arte quand le virtuel sera devenu chiant et bobo. Alors, un livre écrit par un journaliste spécialiste du média parti à la rencontre des développeurs pour lever le voile sur les coulisses, forcément, c'était plutôt aguichant.
La structure est simple : un chapitre pour un jeu, explorant les différentes contraintes, artistiques, humaines, financières, techniques et temporelles qui émaillent sa création. Enrichi d'anecdotes, le livre permet de mesurer l'investissement énorme que constitue la sortie d'un jeu. Tout y passe : le jeu indé développé dans un garage, le gros triple A qui plante son modèle économique, l'horreur d'essuyer les plâtres d'un nouveau moteur graphique, le financement participatif et ses aléas, la pression financière d'un éditeur qui ne voit rien venir, les mensonges contraints de la comm' lié au média, l'annulation qui tombe comme une guillotine ... Et ces fameuses périodes de "crunch" où l'équipe doit dormir au bureau pour espérer tout finir dans les temps, source de stress hallucinant mais aussi de fulgurances créatives (où on découvre que certaines décisions clés se prennent sur un parking en allant déjeuner...).
Patch 2.0 : apprends, au lieu de gueuler.
Le livre n'est jamais très technique, ou assez peu, pour pouvoir parler même au passionné qui n'a la plus petite notion de programmation et est donc accessible à tous. Il ne fait pas non plus dans le misérabilisme ou la critique vague : il pose un constat et la conclusion demeure plutôt positive, malgré tout. Mais il fait surtout prendre conscience à nous, public exigeant et acerbe, de la galère qu'ont pu constituer nos jeux favoris, des heures supplémentaires, des décisions prises sur le fil. A l'heure où le jeu vidéo est réduit pour certains à de la consommation/digestion (coucou EA ! Plein de gastros pour noël, j'espère <3), regarder derrière les lignes de code est particulièrement important pour remettre les choses en perspective. Derrière ces lignes de code, il y a de l'humain. Oui, j'ai l'air d'énoncer un truc assez évident (captain obvious n'était pas dispo) mais sérieusement, vous y pensez, quand vous jouez ou que vous saignez votre carte bleue pour le dernier DLC ? Personnellement, après cette lecture, je suis beaucoup plus tolérant envers les bugs et approximations de code de mes jeux fétiches (disons que je gueule moins fort.).
À travers tous ces portraits, Schreier essaie d'être le plus exhaustif possible pour prouver qu'il n'existe aucune solution miracle. Qu'un jeu vidéo, bon ou mauvais, c'est bien des larmes et du sang et beaucoup, beaucoup de fabuleux pixels.
Si le jeu vidéo au sens large vous intéresse, ce livre est un indispensable.