Aussi étrange que ça puisse paraître, je souhaite laisser la nouvelle-titre de côté et me concentrer sur la Boîte de Pandore car elle m'a un peu plus marquée.
20 ans, grossière finesse ou fine grossièreté ? Finesse oui, pour la beauté de la métaphore du Japon se relevant, mais celle-ci est plus à mettre sur le compte de l'imagination de l'auteur que du personnage qui fait montre d'une forme de grossièreté, non dans le sens de vulgarité mais d'indéfinition des idées. L'idéal de l'homme nouveau qu'il propose est sans cesse à prendre avec des pincettes et à mettre en relation avec les diverses situations dans lesquelles le personnage se trouve. Tout en aspirant à quelque chose de grandiose, on assiste aux balbutiements de la pensée d'Alouette, nourris à la fois par une réflexion et des expériences personnelles, mais aussi par la position difficile du Japon au lendemain de la guerre et toute la propagande qui s'ensuit.
On peut aussi voir un fond de grossièreté énoncé finement, la position du personnage à l'égard des femmes par exemple, peut choquer. On peut se dire que derrière les belles formules de ce fils de professeur de renommée mondiale, se trouve une profonde misogynie. Mais ce mal est à remettre dans son contexte ainsi qu'à modérer au gré des changements d'opinion d'Alouette. Certes il commence par énoncer que les femmes sont toutes les mêmes, mais cette idée n'émane pas tant du personnage que de l'époque. Il ne faut pas oublier que le droit de vote des femmes était récent alors et très controversé, et ce à travers le monde. Ce qui enracine plus encore le personnage dans les mouvances de son temps et ceci a fortiori lorsque l'on voit dans quel entre-deux il est pris alors que la question du maquillage des assistantes se pose. Sa réaction est en effet ambiguë, il s'oppose par principe aux pensionnaires de la salle des Cygnes et à leur excès de misogynie mais ne prend pas pour autant position ouvertement et laisse une autorité qu'il estime supérieure se charger de résoudre le conflit. Et de quelle autorité parle-t-on, d'une femme ! Doit on y voir la reconnaissance des facultés féminines ou une espèce de circonscription du domaine du conflit au personnel hospitalier et en particulier aux femmes puisqu'elles sont directement concernées ? La réponse à cette question se trouve sans doute quelque part entre les deux propositions car comme on l'a dit, malgré la prégnance apparente de ses théories, le personnage n'en est qu'à l'élaboration, laborieuse et pleine de fautes de celles-ci. Les plus frappants des exemples que l'on en trouve sont les revirements auxquels il est sujet quant au personnage de Take-san, des sentiments qu'il admet comme une bévue quant à l'idéalisation de la relation homme femme alors même qu'il ne crée rien d'autre qu'un écran de fumée pour cacher ses véritables sentiments. Dès lors qu'il les admet, c'est l'avalanche, tous les faits sont retournés pour converger correctement en un point, certaines analyses paraissent valides mais d'autres semblent aller à l'encontre de la psychologie que l'on peut supposer à un personnage de cet âge. La négaton totale de la sincérité de son attraction initiale pour Ma-bo par exemple, fait sourire, mais derrière cet amusement se cache un constat plus sombre, la binarité première des rapports homme femme que l'on trouve chez le personnage. Loin d'être regrettable dans le cadre du roman, puisqu'elle épouse l'incertitude de l'âge mais aussi de l'époque, elle peut attrister aujourd'hui quand on voit que le personnage ne peut ressentir que mépris et indifférence ou amour pour une femme. Une bévue de l'âge mais qui teinte le roman d'amertume. Mais la binarité de ces rapports peut-être expliquée, sinon modérée par la situation particulière dans laquelle se trouve Alouette. En effet, en contact parfois très proche avec des femmes, ce qui est probablement une nouveauté pour lui, il a des réactions primaires suivant ou visant à protéger son amour-propre, ainsi l'attraction première pour Ma-bo est mise de côté, comme une erreur de jeunesse que l'on renie, tandis que celle pour Take-san est finalement admise par son aspect plus rassurant car moins intense et violente. Mais elle vient bien conclure un roman où l'homme nouveau est mis face à son propre échec, celui de la légèreté qui ne peut s'établir dans l'âme encore jeune d'un garçon de vingt ans qui grandit néanmoins en apprenant à écouter les battements de son cœur et tente de recoller les morceaux en faisant de Mâ-bo une femme nouvelle avec qui il pourrait potentiellement entretenir ces fameux rapports d'égal à égal, aromantiques et asexuels.
Mais ce motif constant de l'homme nouveau laisse pensif, a fortiori à la lecture des dernières pages sur le dévouement dont il doit faire preuve. Si la quatrième de couverture précise que Dazai s'est suicidé ce n'est pas pour rien. Cette dissonance malheureuse que l'on trouve entre le destin de l'auteur et les aspirations finales de son personnage laissent penser que le combat d'Alouette a aussi été le sien et si l'avenir n'est pas écrit pour le personnage, celui de Dazai, lui, est ancré dans les mémoires.