S'écrire
Marguerite Duras est bien mignonne. Elle écrit avec de petites mains, avec de petits mots dans de petites phrases pleines de silence. Son essai de créer de l'émotion par-dessous les mots simples est...
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le 24 sept. 2010
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Pour qui n'est pas familier de l'univers du mythe Durassien, s’engouffrer dans son oeuvre revient à faire son baptême littéraire. Quiconque se réclame en effet d'un intérêt certain pour la lecture ne peut se targuer être un véritable lettré s'il ne possède pas la connaissance, au moins partielle, des grands noms du Panthéon. Cela en devient encore plus intimidant quand la réputation de l'auteur s'accompagne d'une aura quasi mystique, qui l’élève à des sommets égaux aux plus grandes personnalités de L'Histoire de France.
Il faut alors se laisser porter par une prose très particulière, faite de descriptions minutieuses sur les détails les plus insignifiants, et ne pas avoir peur de dialogues intérieurs particulièrement abstraits sous peine de ne pas saisir toute la délicatesse stylistique de l'écrivaine. Sous son aspect hermétique qui laisse à penser que le lecteur n'est pas la priorité première de l’essayiste, affleure au fil des pages et des chapitres ce qui apparaît comme le fil conducteur de sa carrière: la conscience de la fragilité humaine et plus encore, la souffrance face à l'acte de création. C'est une angoisse de tous les instants qu'il faut être capable de dépasser sans se laisser déborder par ses émotions, en contradiction totale avec l'objectif de l'artiste: se nourrir de l’âme humaine et de son environnement pour recréer des situations fictionnelles plus vraies que nature.
Comme dit précédemment, il n'est pas évident d'adhérer facilement à la méthode que s'emploie à entretenir la dramaturge. Son univers rigoriste n'est pas des plus accueillants et sa propension à s'autoréférencer assez régulièrement peut agacer le suiveur lambda qui n'est pas au fait de son travail. Mais cet obstacle est heureusement franchissable pour qui se donne les moyens de lire entre les lignes et comprend à travers son histoire personnelle l'importance de la transmission. Il faut avoir traversé des épreuves pour comprendre à quel point l'héritage des anciens est indispensable à la bonne marche démocratique d'une pensée. Partager sa douleur n'efface pas l’incompréhension de solitude que connait la doyenne mais lui permet de mettre des mots sur une peine dont il n'est pas certain qu'elle veuille l'éradiquer. Il se pourrait bien que ce sentiment l'aide à transcender son écriture. On traverse avec elle toute une vie qui rejoint quelques unes des pages les plus marquantes de L'Histoire Hexagonale, de L’Indochine à L'Algérie Française, et l'on se plait alors à penser que sa place dans le Panthéon des personnalités publiques est plus que justifiée. Il est des livres qui dépasse le seul cadre de la littérature pour nourrir un débat philosophique nécessaire sur l'existentialisme: Marguerite Duras en laisse pléthore dans sa bibliographie et celui-ci y figure en très bonne place.
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le 29 mai 2015
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