On ignore très généralement l'engagement révolutionnaire de Sade. Bien loin de chercher à émigrer, c'est au cœur de La section des Piques qu'il fit usage de son talent littéraire pour rédiger des textes qui brillent encore par leur lucidité. Comme cette "Idée sur le mode de sanction des lois" où on le découvre farouche partisan de la démocratie directe et dénonçant déjà les risques de confiscation du pouvoir par une représentation qui se placerait au-dessus de la souveraineté du peuple et prétendrait décider à sa place. Deux-cent-trente années plus tard, nous avons encore tout le loisir de constater les effets de cette confiscation de fait de la démocratie et de déplorer le ballet de tous ces petits marquis contemporains pourtant beaucoup moins plaisants à lire et à entendre.
"Je vous le dis, Citoyens, le moment presse, si vous laissez échapper ce pouvoir acquis par vos exploits, que de difficulté pour le ressaisir !
(...) Les hommes auxquels vous ne déléguez que momentanément une portion de la souveraineté, qui n'appartient qu'à vous, ne peuvent, sous aucun rapport, posséder cette souveraineté dans un plus haut degré que le vôtre. La souveraineté est UNE, INDIVISIBLE, INALIÉNABLE, vous la détruisez en la partageant, vous la perdez en la transmettant."
"Peuple, vous pouvez tout sans eux, eux seuls ne peuvent rien sans vous.
(...) O mes compatriotes, qu'une méfiance nécessaire ne vous abandonne donc jamais, réfléchissez sans cesse sur les moyens de conserver cette liberté. (...) S'ils vous donnent des lois que vous n’ayez pas sanctionnées, ils éclipseront bientôt l'autorité, qui ne doit jamais sortir de vos mains.
(...) J'ai étudié les hommes et je les connais; je sais qu'ils renoncent avec bien de la peine au pouvoir qui leur est confié, et qu'il n'est rien de difficile comme de poser des bornes à l'autorité déléguée. " (Idée sur le mode de sanction des lois, 1792)