Elantris
7.7
Elantris

livre de Brandon Sanderson (2005)

La lecture est relativement plaisante (quand on ne lève pas les yeux au ciel devant tant de bullshit), mais voilà ça tient plus de la curiosité vis-à-vis des mystères entourant cette cité qu'à une qualité intrinsèque. Parce que c'est horriblement ficelé, non vraiment tout dénouement/cliffhanger a un prénom nommé facilité et un nom nommé deus ex machina. Au début on tique un peu (la close du contrat de mariage qui est bien commode pour l'intrique) mais on se laisse porter par la découverte, cependant plus on avance plus cela devient difficile à tolérer. En gros, l'auteur a plus ou moins tout prévu depuis le début sauf que les éléments de (micro)résolution ne tiennent pas la route (comment se débarrasser d'un roi ou de l'inconvenance de n'avoir ni avion ni gps pour traverser une flaque etc...). En ce sens, l'aspect magique est intéressant à suivre au départ pour son côté mystère déchu mais se trouve peu crédible quand il franchit la ligne du réel dans son rôle de cheat code à la conclusion.

J'ai pu lire dans la préface que l'auteur se distingue dans le genre par le soin apporté aux personnages, ce qui devrait conférer de la substance à l'ensemble et éviter la forme pure et générique de la fantasy. Ceux-ci sont une catastrophe.

La princesse : parfaite en tout (sauf en peinture/chant, faut bien l'humaniser keuf keuf Marty Sue), femme forte, mais qui geint sur son sort de "vieille fille" et qui rougit plus qu'une ado devant les beaux gosses de la cour (cette tentative de cacher sa parfaititude ne fonctionne pas du tout), et cérébrale (un rappel à chaque dialogue combien elle est intelligente et délicieuse... sauf que ses plans sont de l'ordre du gros foirage mais no problemo). Comme pour ma bestie Ayla, il lui faut son pendant god-like masculin (littéralement par la suite) donc voici le prince. Pas grand chose à dire, la parfaiteté incarnée, adoré de tous, le héro archétype sans défauts (ah si, un petit péché pour ladite princesse, c'est que le livre peut être très mièvre quand il le veut). Les gentils tout vertueux sont posés, il faut dès lors imaginer comment foutre le dawa dans la fourmilière et c'est le missionnaire mormon qui s'y colle avec entrain en appliquant la manipulation des foules de l'Allemagne bottée. Ouais l'instauration d'une théocratie* par la haine est peut-être un poil brutal donc il aura l'épitaphe : "les cathos c'est chaud" avant de se morpher en Jesus Smith

pour tenir le beau rôle du sauveur.

Ce troisième personnage, le prêtre gyorn, est le plus "nuancé" et donc le moins agaçant au final, mais c'était attendu vu qu'il représente l'auteur, son égo-trip (c'est pas moi qui le dit, c'est dans la postface). Concernant les autres personnages, on a droit à une vibe orde du phœnix/petite famille qui fait tâche au mieux ou écœure au pire. Arrêtons de conspirer constipé, fomenter une dissension peut très bien se faire à gorge pleine autour de petits fours, chez les weasley. J'imagine que ce cadre de bonne humeur passe mieux quand on veut renverser le néo-féodalisme en place pour revenir à la sécurité de cette bonne vieille monarchie. Oui bon la vertu attendra, on fait comme on peut pour l'instant, il ne faudrait pas brusquer le gratin du royaume mais t'inquiète on laisse le "le travaille libère" soupir. Enfin vu que tout le monde suit de toute façon aveuglement les deux patates...


J'ai toujours pas compris de quoi ça parle ? oui pardon :

  • Deux royaumes en partenariat marital pour faire face à l'envahisseur papal voulant lui, comme tous les soirs minus, conquérir le monde,
  • Une ancienne cité glorieuse frappée il y a une éternité - soit dix ans - par un cataclysme inconnu qui a transformé ses habitants philanthropes, magiciens et semi-dieux en casting de the walking dead,
  • Un héritier au trône se prenant cette malédiction dans la tronche un beau matin, puis jeté dans la faune macchabée de la ville maudite et donc porté clamsé pour ne pas vivre l'embarras des magasines people, gâchant ainsi le nouveau départ social de sa promise fraîchement débarquée, et ratant alors la toute proche séance nuptiale de touche-princesse zut,
  • Une fiancée-veuve donc qui se voit tout de même promue future reine (faut dire que c'est son nom je déconne pas : Sareine) et qui va enquêter sur feu son prinçounet et sur le vilain écrivain d'héroic-fantasy lui ayant volé son goûter princier de noces,
  • Ledit prêtre, fringué de rouge fashion qui veut sauver=convertir le peuple d'une prochaine ruine dû au système trop pas religieux, quel qu'en soit le prix et même par de faux miracles parce que c'est pas de la tromperie mon pote, si j'ai pu les mettre en œuvre c'est que j'ai l'aval du patron des cieux,
  • Un moine sous-fifre encore plus louche que l'autre zélé, galvanisant la populace teubée de sa rage envers les ex-semi-dieux pour des raisons qui se révéleront être juste... nulles,
  • Un roi plus marchand que monarque, dont le règne cupide est contesté car ayant instauré une noblesse d'argent au dépourvu de la noblesse filiale classique, qui a mis en place le ghetto des morts, et qui n'est pas sympa comme tout à l'instar du papounet-roi de sa belle-fille,
  • Tout un tas de ducs et de barons etc, plus grands fans du prince rebelle idéaliste, qui vont poursuivre la résistance en désignant la princesse-pas-farouche comme leur cheffe, dans un contexte géo-politique chaud-les-marrons,
  • L'oncle de la jeune adulée et sa petite famille sitcom, membres originaux du fan-club de l'ex-futur-roi, le monde est petit évidemment, formidable cuisinier - on n'est jamais mieux servi que par soi-même, enfin c'est pas vrai perso je suis pas terrible dans le domaine - et futur fan de sa nièce, type ours mielleux affranchi au passé pas très net,
  • Une malédiction qui touche subitement des personnes au hasard de temps en temps - pas d'bol mec - et faisant grossir le nombre des plus-vivants dans l'enceinte de la ville vétuste et pourrissante,
  • Des pauvres diables qui non content d'être décédés et moches, ont une faim insatiable et frôlent la folie à chaque petite coupure car la souffrance de leur blessures ne part jamais et ces dernières ne guérissent plus, ce qui est plutôt embêtant quand on est à priori immortel, heureusement pour eux le prince optimiste va essayer de créer une société dans laquelle chacun peut trouver un but lui permettant de nier la douleur, et même pourquoi pas de ne plus être chauve grâce à la magie vraiment commode,
  • Des boules de lumières sentientes, compagnons de quelques aristos, et qui permettent des communications longues distances par vidéo sans perte de connexion internet, vraiment pratique pour le script,
  • Des sectes/conflits entre religions de mêmes origines, comme vous savez qui,
  • De la diplomatie et des tentatives de renversement de gouvernements etc... en fait pas trop de péripéties,

Voilà pour le briefing du topo, j'en dis pas plus car les presque 1000 pages n'ont pas été écrites pour rien bande de flemmards. Plus sérieusement, jusqu'aux trois-quarts ça se lit avec un certain intérêt malgré cette avalanche de tares, puis l'auteur décide qu'il faut boucler le truc et là ça va vite. Un emballement fou d'événements. Révélations, twists et j'en passe (des éléments laissés lâchement sans suite aussi). Le problème c'est que c'est le festival des grosses ficelles, on ne peut faire plus bancal. Si c'est ça le fleuron de l'héroic-fantasy, count me out (je suis de mauvaise foi, parait-il que c'est le premier rejeton de l'auteur et qu'il s'est amélioré par la suite, par contre je vais passer, j'en ai un peu raz-le-bol des propagandes religieuses).

Que retenir ? Une histoire assez intrigante au début pour se laisser suivre puis un gros gâchis par cette fin dégueulasse. Par contre cela ferait une super base de rpg.


* Aparté politique pour souligner mon effarement quant au shitshow américain en ce moment même par rapport à la fuite de la cour suprême sur l'arrêt Roe V Wade et par rapport à ce qui pourrait en suivre au niveau des états rouges qui prévoient déjà une restriction absolue pour beaucoup. Merci de ne plus communiquer avec moi si cet événement te réjouis, je perd déjà bien trop d'énergie mentale dans ma vie.

Dagoni
5
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le 9 mai 2022

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