Un essai édifiant, à garder sous la main pour que la poésie des mots d'Anne Dufourmantelle continue à distiller sa magie par petites touches quotidiennes.
Quelques passages remarquables :
"Cette intensité est le nom brut de la passion. On peut la refuser [...], retourner à la vie quotidienne ; c'est très facile - rideau. Mais une fois entré dans ce mouvement où tout ce qui est vécu prend un relief différent, alors il est impossible de revenir à la langue qu'on utilisait avant, plus aucun mot n'a la même saveur, le même sens, on n'a plus le même corps, la même faim.
La passion est la substance même du risque."
"La nuit est notre amplitude secrète. L'espace de notre folie intime, mutique. La nuit enregistre nos peurs et nous en délivre, le jour, par l'effet d'une amnésie bienfaitrice dont l'angoisse est le reste insécable. La nuit est notre vérité, elle nous intime à rejoindre un lieu plus ancien qu'on appelle parfois l'âme, et dont la langue nous est indéchiffrable."
"La tristesse peut submerger, mais elle apaise aussi ; elle a un pouvoir d'adhérence qui enveloppe le corps dans une sensation cotonneuse d'étrangeté à soi-même, comme un chagrin d'amour dont on aurait subitement perdu le sens, mais pas la nostalgie."
"Se perdre est la meilleure défense contre le sentiment d'être perdu, en partie parce que nous avons l'impression que le problème est pour ainsi dire entre nos mains... Nous nous perdons quand il nous est insupportable d'être perdus."
"On vit ce qu'on veut vivre, il faudrait peut-être tout doucement repartir de là."
"Au risque de marcher seul dans une ville et attendre que survienne, à cet instant, le sens de toute une vie ; savoir que le lendemain tout disparaîtra."
"Au risque de la joie."