Les envoûtés

Réveillez-vous, engeance de rats: la nuit est tombée ! Il est plus que temps d'inonder nos gosiers de vin tiède et aigre à l'auberge de l'Anguille d'Argent. Nous écouterons les potins de la lie de Lankhmar à la recherche d'un illustre trésor à débusquer ou d'un nouveau bijou à dérober à quelque faraud bourgeois !

Haa, quelle plaisante ambiance mes amis ! Qui ne voudrait pas vivre, s'il le pouvait, dans ces rues crasseuses gangrenées de voleurs et d'assassins ? Qui n'échangerait pas sa vie monotone contre une trépidante existence d'aventurier dans un monde d'héroïc-fantasy où la mort et les démons pullulent dans chaque recoin ? Ne vous pressez pas de répondre surtout...

Le Cycle des Épées, volume 2, nous permet de vivre par procuration une pelletée d'aventures de ce genre. Plus de nouvelles que dans le tome 1 donc, mais des histoires forcément plus courtes, ce qui n'est pas nécessairement un mal quand la diversité est là. Et elle ne l'est pas toujours, malheureusement...

Presque chaque nouvelle se base sur le même canevas: Fafhrd ou le Souricier Gris, ou les deux à la fois, sont victime d'un terrible envoûtement qui les force à adopter un comportement qui les mène droit à la mort. Comment vont-il s'en sortir ? Dit comme ça, ce n'est pas très engageant, et effectivement on ne peut pas nier la répétitivité thématique du recueil.

Mais, car il y a forcément un mais, les variations proposées autour de ce thème sont suffisamment bien pensées pour offrir, presque à chaque fois, un bon moment de dépaysement. L'ambiance, comme pour le premier tome, est excellente, très poisseuse, sombre, parfois même franchement dérangeante. Il n'est pas rare en effet que Leiber s'essaye avec beaucoup de talent à une ambiance horrifique, ce qui offre quelques-unes des plus belles réussites du recueil, telles que La tour qui hurle, Le Rivage désolé et Le prix de l'oubli. On a aussi droit à pas mal d'humour et même à une nouvelle qui se risque à parler de capitalistes transdimensionnels dans Le bazar du bizarre !

Je continuerai le cycle avec plaisir, surtout que, contrairement aux aventures de Conan, par exemple, les nouvelles sont organisées de façon chronologique pour suivre un fil rouge, certes un peu artificiel (car décidé des années après le début de la saga) mais diablement motivant. Il est seulement à espérer que les scénarios s'étoffent à l'avenir car l'on sent que le potentiel énorme de Nehwon, sombre terre de fantasy, n'a encore été que frôlé jusqu'à présent.

Préparez vos outres de vin, le voyage va être long, descendance de cafards !