Michel Houellebecq fut découvert au début des 90’s par Maurice Nadeau, qui n’était pas n’importe quel éditeur. Politis, qui n’était pas n’importe quel journal, publia une critique élogieuse de son premier roman. Et moi, qui… euh… Enfin bref, j’ai lu Extension du domaine de la lutte.


C’était bien écrit. Très. C’était caustique. Très. C’était intelligent. Vraiment très. C’était cru et cruel, désespéré et désespérant, novateur (très), et, je l’aurais alors juré, écorché et authentique. L’ « extension du domaine de la lutte », c’était la contamination par le libéralisme des échanges interpersonnels et de la sexualité, comment il conquérait tranquillement de nouveaux territoires tandis que la gauche « luttait ». Le sarcasme était d’une ampleur et d’une force terribles.


(Bon, y’avait déjà bien là-dedans une fascination malsaine pour le Front National et une misogynie d’une beauferie ahurissante, mais l’ensemble était tellement brillant qu’elles ne pouvaient pas être littérales, y’avait forcément de la provoc, du second degré, du questionnement, enfin des trucs que j’aime, du désespoir, voilà, ce devait être du désespoir).


Bref, je me suis fait… euh, arnaquer, bien bien. Or je ne suis pas homosexuel.


J’ai mis longtemps à renoncer à l’idée que je me faisais de Houellebecq. Mais plus il se prenait pour un nouveau Gainsbourg, et plus il ressemblait à un clone de Beigbeder. Le genre qui tire sur tout ce qui bouge mais se prend lui-même très au sérieux, le genre qui est ce qu’il dénonce et qui voudrait s’en tirer sous prétexte qu’il dénonce ce qu’il est.


Extension du domaine du sarcasme. Dans Les particules élémentaires, roman censé mettre en parallèle les deux aspects principaux de la dégénérescence de nos sociétés contemporaines (l’intello forcément inhibé et le bobo forcément bisounours), Michou se vautre déjà dans un nihilisme postmoderne narcissique pas encore tout à fait insupportable, mais plus très frais et duquel, en tout cas, toute forme de sincérité s’est fait la malle.


Après, dans Plateforme, l’anti-héros (un anti-héros, forcément un anti-héros) prénommé Michel (forcément…) prend conscience qu’il vit dans un monde où l'argent et le sexe sont les deux uniques formes de bonheur possibles, et en déduit que la marchandisation illimitée du sexe est absolument inéluctable (absolument, absolument…). Mais ne vous en faites pas, c’est en la mettant en œuvre que Michel va vivre une histoire d'amour véritable avec Valérie. Forcément : parallèlement, Michou est devenu une coqueluche médiatique et vit une profonde histoire d’amour avec lui-même (qu’il hait, vous suivez au fond de la classe ?)


Après, je sais pas. Paraît qu’y a eu un bouquin raciste à caution intello (inhibé, l’intello, je suppose). Mais je l’ai pas lu. J’aime pas être forcé, vous comprenez. Et puis, moi, l’extension du domaine néo-libéral, c’est pas tout à fait en Zemmour chic et choc que je la vis.


Mais là je sens que je déçois. Vous voulez la fin de l’histoire. A la place, je vais vous donner une morale, ça vous changera de Houellebecq et de Beigbeder.


Finalement Maurice Nadeau a dû mettre la clé sous la porte, parce qu’il n’était pas n’importe quel éditeur. Et Michel Houellebecq a rejoint le cénacle très fermé des Rockuptibles dans le dernier salon de l’intelligentsia où l’on cause. Faut-il vraiment préciser pourquoi ?


Va, Michou, je ne t’aime point.

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le 28 févr. 2017

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