Saluons d'abord le gros travail d'enquête mené tant sur le terrain qu'en consultant des rapports scientifiques, des études, des rapports de vente, des sites Internet qu'il nous invite aussi à consulter en plaçant la totalité des références en annexe.
Revenons en au fond même du bouquin.
Une idée de classes
Aujourd'hui, nous mangeons tous de la viande tout le temps et la demande auprès des l'élevage industriel va grandissante. Seulement, pour manger de la bonne viande, il faut aujourd'hui avoir les moyens. Le peuple des supermarchés n'a pas de quoi aller chez le boucher alors l'auteur a beau nous faire l'apologie de la bonne viande en opposition à production Tricatel, seuls ceux qui en ont les moyens peuvent se le permettre.
Le capitalisme est donc passé par là. La définition qu'il en fait, du point de vue du consommateur, est très juste : « avoir tout à notre disposition à tout moment pour une somme dérisoire. » C'est ce qui emmène l'homme à intervenir sur la nature, il l'explique à travers les croisements chez les bergers allemands pour une question d'esthétique, chez les poulets pour qu'il y ait plus de chair ou dans le milieu marin.
Je vous conseille d'ailleurs le docu Demain, nos enfants mangeront des méduses sur la pêche au thon et ses dérives.
Descriptif
Jonathan Safran Foer ne nous épargne pas. Des filets de pêche qui raclent les fonds et pêchent à côté aux pouponnières pour poussins blessés en passant par les cages entassées de poules pondeuses aux cycles démultipliées... Il nous prend la main et nous entraîne sur le terrain. Et comme il est romancier, il sait capter notre attention et la garder. Tant mieux !
Même si c'est parfois difficile comme lorsqu'il décrit l'ensemble du chemin parcouru, de machines en bains, par les carcasses de poulets, blindées d'excréments, qui finiront dans nos assiettes.
Le seul endroit où il n'a pu mettre les pieds est un abattoir de bœufs que l'on entrevoit à travers les témoignages d'un travailleur qui nous raconte combien de fois, il a souffert de voir souffrir des bêtes encore (sur)vivantes, les pattes coupées, le cou tranché, se faire arracher la peau comme on pèle un fruit.
Les portraits
Il dresse, peu à peu, les portraits de divers acteurs de la filière, de l'éleveur de dindes en plein air, le vrai de vrai, à celui du gars qui bosse en abattoir en passant par cette activiste qui donne à boire, la nuit, à des poulets d'usine. On entrevoit aussi les idéaux de personnes plus radicales comme cet activiste de PETA, par exemple qui prône un végétarianisme strict. Il rend l'étude humaine. C'est le petit plus du romancier.
Philosophie
Le consentement animal serait une vision humaine. Je plussoie. Il m'en faudrait bien plus pour abandonner la viande que, de tous temps, l'homme a consommée. C'est la chaîne alimentaire. Il n'y à qu'à voir les dégâts perpétrés par les singes en Inde pour se dire qu'une totale liberté n'est pas non plus une bonne chose. D'ailleurs là bas, la situation change et en pire puisque ces singes sont attrapés, enfermés dans des cages qui se révèlent être des mouroirs.
Sur les conclusions, il a fait le choix de devenir végétarien mais argumente pourtant : « le choix d'un régime personnel ne suffit pas » page 252 ; Et pourquoi pas ? 1+1+1+... ça peut faire beaucoup au bout d'un moment et le collectif peut faire bouger la politique. « Moins de 1% des animaux tués pour leur viande en Amérique viendraient de l'élevage traditionnel, » nous apprend-il. Mais qu'adviendrait-il si nous boycottions la viande sous vide des supermarchés ?
Pendant que nous faisons les courses, Tricatel achète des abattoirs conventionnés qui respectent une certaine éthique et les ferme, tout simplement, histoire de virer sans bruit la concurrence.
Ma conclusion ?
Le végétarianisme viendrait à supprimer toute la filière, ce n'est pas une bonne chose, économiquement parlant. Il faut aussi laisser le choix à tous, en sachant, d'avoir ou non, de la viande dans notre assiette.
Plutôt que de manger zéro viande, la solution ne serait-elle pas d'en manger moins mais mieux ? d'accepter de ne plus en avoir à tous les repas et d'éviter de manger de la merde industrielle ?
Manger de la bonne viande, ça coûte cher... mais si on diminue la quantité, ça reviendrait au même budget qu'en manger de la mauvaise plus souvent, non ? En ville, cela relancerait le petit commerce de proximité, les bouchers de quartier, tout ça... et ce serait manger de la viande sans contribuer à la pollution intensive générée par les merde d'animaux élevés en batterie et bourrés d'antibiotiques.
Jonathan Sanfran Foer nous donne la réponse. Direction la page 231 de cet excellent bouquin : « Ceux qui jouissent vraiment du pouvoir de décision sont ceux qui choisissent ce qu'ils mangent. » Aujourd'hui, lire les étiquettes ne suffit plus, il faut s'engager.