Fleur de Cactus

Voilà une histoire bien macabre et fascinante que celle d'Hélène Jegado, apparemment la tueuse en série française la plus meurtrière en notre beau pays et l'une des empoisonneuses les plus prolifiques de l'histoire.

Comme à son habitude Jean Teulé ne fait pas une biographie, il écrit un roman. Teulé nous met dans la tête d'Hélène, ou plutôt Fleur de Tonnerre comme l'a surnommée sa mère toute enfant. (la fleur du tonnerre serait la jasione de la famille des campanulacées qui fleurit apparemment quand il y a de l'orage).
Fleur de Tonnerre est élevée en Bretagne dans une famille très pauvre mais de noble lignage durant la première partie du XIXème siècle. La Bretagne, terre de légende, est encore bien païenne. La litanie de superstitions que l'on découvre dans les premiers chapitres est effrayante (il y une histoire d'enterrer un nourrisson vivant dans la pile d'un pont pour empêcher je ne sais quoi) et Fleur de Tonnerre s'en empreigne et s'en repait pour devenir, à un âge très tendre et tout naturellement, une meurtrière. De là, elle n'arrêtera pas, portant la mort de manière indiscriminée à tous ceux qui croisent sa route, bon ou mauvais, enfant ou adulte, homme ou femme.

Le milieu du roman où Fleur de Tonnerre passe de maison en maison et de meurtre en meurtre fait un peu liste de course et manque de piquant. Certes, certains morts sont plus inattendues que d'autre ou mieux orchestrées mais le récit a perdu de sa tension et Fleur de Tonnerre de sa fraicheur. Et finalement, lorsque l'on arrive au moment fatidique où quelqu'un voit (enfin, oserais-je dire) ce qu'il se passe, l'intérêt revient comme un boomerang.

Le plus fascinant de toute cette histoire c'est la longueur de la carrière de notre serial killeuse, les 60 morts avérées (sur 100 tentées) s'étalent sur près de 40 ans.
Teulé ne juge pas Fleur de Tonnerre, il essaie de la comprendre (mais pas de l'excuser), il propose un voyage dans l'esprit embué de légendes et dénué de remords d'une tueuse froide et déterminée, convaincue de sa mission comme ces infirmières, anges de miséricorde. Elle est l'Ankou, la faucheuse des légendes bretonnes, qui tue sans haine et sans raison. Il effleure parfois une possible schizophrénie mais ne pousse pas son idée. Au final, le pourquoi de ce "choix de carrière" reste un mystère.
Le style de Teulé est coloré et truculent (ici un peu plus sage peut-être qu'à son habitude), facile à lire car il écrit comme on parle, comme une légende racontée au coin du feu, une histoire qui fait peur. Si ce n'est pas un récit à la première personne, on en a la sensation, les pensée de Fleur de Tonnerre contaminent parfois les mots du narrateur.

Je n'ai pas saisi le pourquoi des 2 perruquiers normands qui suivent Fleur de Tonnerre tout au long de sa vie, sans la suivre vraiment et qui finissent en loque aussi bien physiquement que mentalement. Ce n'est pas que running gag ne soit pas drôle mais au bout d'un moment, on se demande pourquoi ils sont toujours là, jusqu'à la toute fin d'ailleurs, une fin que je trouve hors de propos. J'ai dû manquer quelque chose, j'en suis presque certaine.

Le roman se lit avec facilité, il est court et le style vif, Teulé fait sourire malgré le coté macabre du tout et Fleur de Tonnerre fascine autant qu'elle déconcerte.