Un deuxième roman plus lyrique et poétique que le précédent mais qui perd du même coup sa simplicité, son caractère brut, essentiel, ainsi que l’écriture directe d’«Écoute le chant du vent ».
C’est l’histoire d’un type vivant avec deux sœurs jumelles sans prénoms, grand amateur de flipper et fréquentant assidûment les Game Center. Il tombe sous le charme d’une machine bien précise, la Spaceship qui disparaîtra du jour au lendemain avec la fermeture de la salle de jeux.
Le héros partira donc à la recherche de son flipper perdu dont seul trois exemplaires sont arrivés sur le sol japonais.
Par le fait que le personnage principal vit avec des sœurs jumelles, Murakami met en scène un fantasme masculin répandu. Comme il reste très prude dans l’évocation de leur relation, aucune allusion sexuelle, pas de baiser, pas de geste de tendresse, on pourrait conclure qu’ils vivent un amour tout platonique, malgré qu’ils partagent le même lit. Peut-être une pudeur nippone au caractère impénétrable.
Aucun nom propre qui permettrait de situer clairement le roman au Japon n’est dévoilé (seul le quartier de Shinjuku est évoqué une fois), ce qui donne un ton éthéré et universel, malgré les références culturelles exclusivement américaines, occupation post-seconde guerre mondiale oblige.
Et puis bien sûr, il y a le Rat, toujours aussi étrange, scrutateur d’un parangon de femme, il erre dans certains chapitres comme un ectoplasme en quête d’amour, une âme délaissée dans la modernité de 1973.
Pour conclure, un très bon roman même si le style s’embourbe parfois dans une prose bas de gamme dont on oublie la teneur aussitôt lue.
L’histoire encyclopédique du flipper délivrée à la fin du bouquin est passionnante pour le peu que tout ce qui est dit soit vrai.
Murakami cristallise pour l’éternité un art, une distraction désuète, voire morte, qui aura fait les beaux jours de la deuxième moitié du XXème siècle et dont les champions étaient sans nul doute les ancêtres de ceux du e-sport d’aujourd’hui.
Samuel d’Halescourt