Figure bien singulière que Xénophane de Colophon, philosophe satiriste du VIe Siècle av.J.-C. n’hésitant pas à se poser comme frondeur et critiquer les croyances traditionnelles de son temps. Il ne reste plus que des fragments de son œuvre qui, pourtant, a conservé toute sa richesse. Cette transmission parcellaire de la philosophie de Xénophane la rend également fascinante et emblématique, faisant l’objet de moult débats et interprétations contradictoires.


Ce qui ressort principalement de ces fragments, c’est la façon dont Xénophane remet en cause les croyances et coutumes traditionnelles et souhaite les dépouiller de toutes leurs erreurs et contradictions. Il s’indigne ainsi des honneurs réservés aux athlètes, alors même qu’ils ne font rien d’utile pour la cité, il se moque de l’orgueil des Grecs, qui ont peint les dieux comme étant leurs semblables, à la fois physiquement et moralement. Et c’est bien au sujet de la théologie que Xénophane démontre toute son originalité et son intelligence. Il critique fondamentalement les représentations divines héritées des éducateurs de la Grèce, à savoir Homère et Hésiode. Pour lui, l’anthropomorphisme n’a pas sa place parmi les dieux qui, au contraire, possèdent une unité indépendante et incorruptible qui leur est propre, que l’Homme ne peut appréhender. Je ne peux m’empêcher de vous citer ce fragment magnifique : «Mais si les bœufs, les chevaux ou les lions avaient des mains, ou s’ils étaient capables, avec des mains, de peindre et d’exécuter les œuvres que réalisent les hommes, ils peindraient des images de leurs dieux : les chevaux, sur le modèle des chevaux, les bœufs, sur celui des bœufs, et chacun leur ferait des corps de même stature» (fragment 15). A eux-seuls, les fragments de Xénophane parviennent à ébranler l’ensemble des croyances religieuses et à montrer leur absurdité.


Et c’est là une des clefs de la philosophie de Xénophane, montrer toute la relativité du savoir humain. Il faut se montrer humble, débarrasser les divinités des travers moraux et physique des dieux homériques, et reconnaître que la nature divine est pure et insaisissable ; omnisciente, elle n’a pas besoin d’attributs corporels. Xénophane n’est pas monothéiste comme on le qualifie souvent, à tort, et ne cherche pas non plus à bâtir une nouvelle théologie, mais simplement à débarrasser les bêtises des théologies issues des grands poètes et rendre leur noblesse et leur grandeur aux dieux. Xénophane se pose en réalité comme un grand théologien, et son incertitude quant à la capacité de l’Homme à comprendre entièrement la nature de la divinité se perpétuera notamment avec Socrate !


Vraiment, l’œuvre de Xénophane regorge d’une richesse insoupçonnée et occupe une place tout à fait originale parmi les Présocratiques. Lire Xénophane, c’est se lancer dans l’inconnu et découvrir une manière de penser nouvelle qui a su traverser les siècles, et assurer au philosophe l’immortalité…! Il n’est peut-être pas le plus célèbre des penseurs grecs, et pourtant il serait dommage de passer à côté de son œuvre ; à lire, donc !

Charlandreon
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le 12 nov. 2020

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