Ce bouquin me laisse une impression mitigée. Il commence vraiment très bien : Richard Hannay (toujours la caricature du Britannique de l'époque, stiff upper lip et tout), lancé sur la piste d'un mystère aux enjeux conséquents, est contraint de traverser l'Europe en guerre, de Lisbonne à Constantinople. Tel un proto-Indiana Jones, il est confronté à des rebondissements à gogo et rencontre des personnages hauts en couleur, qu'il soit perdu dans les neiges bavaroises ou enfumé dans les arrière-cours du Bosphore.
Et puis, le mystère se dévoile, et ses implications sont aussi prodigieuses qu'on nous l'avait promis, mais Buchan… n'en fait rien. À la place, il transbahute ses héros sur le front pour leur faire jouer un rôle crucial dans la prise (historique) de la ville turque d'Erzerum par les Russes. Les méchants qu'il s'était plu à dépeindre comme des créatures délicieusement menaçantes sont expédiés ad patres en deux coups de cuiller à pot, sans avoir pu donner la pleine mesure de leur potentiel. La façon dont il se débarrasse d'Hilda von Einem est tout bonnement impardonnable.
C'est comme si Buchan en avait eu marre d'écrire un roman d'aventures et s'était dit qu'un roman de guerre, ça serait vachement mieux. Je lui reconnais le mérite d'avoir maintenu la propagande anti-allemande à un minimum (son portrait du Kaiser est particulièrement intriguant), et de reconnaître aussi bien les horreurs de la guerre que ses (supposés) mérites, mais ça reste décevant après un début aussi enthousiasmant. J'ai eu du mal à lâcher le bouquin pendant la première partie, mais j'ai eu du mal à finir la seconde. Il faut avouer que les longues descriptions sont beaucoup plus faciles à endurer tant qu'on nous fait miroiter la carotte d'une explication au mystère ; une fois le pot aux roses dévoilé, elles deviennent simplement pénibles. La conclusion du bouquin, sans doute plaisante à lire pour des Britanniques encore en guerre au moment de sa parution, tombe un peu à plat cent ans plus tard.
Décevant, vraiment.