Une amie m'a conseillé ce livre... Qu'elle a bien fait! J'ai vraiment aimer ce roman de Stefan HERTMANS, auteur belge, flamand qui a une jolie plume si j'en juge par la traduction française qui ne pourrait être aussi bonne sans un matériau de départ d'une grande qualité d'écriture.
Rédigé en flamand, mais depuis traduit dans de nombreuses langues, "Guerre et térébenthine" est l'histoire d'un Grand-Père, racontée par son petit-fils sur base de récits, de notes, de documents divers retrouvés par cet homme qui réalise, en 2014, combien la vie de son Grand-Père vaut la peine d'être contée.
Sans jamais le rendre compliqué et impossible à suivre, il y a de multiples portes d'entrée, dans ce livre. On peut l'aborder sous l'angle de la filiation et des transmissions de savoir et savoir-être qui passent de générations en générations. L'auteur (le petit-fils) nous parle d'un Grand-Père qui, en 1914 n'était qu'un enfant de quelques 17-19 ans, devenu brusquement adulte par sa confrontation à l'engagement au front de la Grande Guerre. Pas du tout inintéressant de réaliser qu'à l'époque, l'adolescence n'avait pas encore été inventée. Prenant et dérangeant de réaliser combien fut brutal l'entrée en âge adulte pour ces mômes envoyés à la boucherie, au nom d'un patriotisme continuellement rappelé par les officiers qui donnaient des ordres... parfois de très loin et sans grands risques pour eux.
Une autre entrée est ce regard sur le mépris avec lequel les officiers francophones donnaient des ordres aux fantassins flamands, les moquant, les humiliants et donnant, par là, une raison valable au flamandisme qui allait se développer jusqu'au radicalisme actuel de certains de nos chantres politiques belges. Nos querelles, bien belges, entre certains 'Flamands et Wallons' ont des racines trempées dans cet humus humain qui a été enseveli dans les tranchées des plaines flamandes et des eaux croupissantes de l'Yser.
Un troisième porte d'entrée, royale celle-là, est l'évolution des techniques et modes de vie des peintres, restaurateurs de fresques ou copistes, ou encore, artistes créateurs picturaux. Les descriptions des métiers du pinceau et de la capacité des peintres à appréhender le monde, dans ses joies comme dans ses peines, occupe une belle place dans ce récit.
Encore plus grande est la place réservée à la description détaillée des conditions de vie dans les tranchées, de l'âpreté des combats, la désuétude des soins et les convalescences qui n'étaient que des intermèdes entre deux retours au front, deux retours en enfer!
Bref, un livre comme je les aime. On y apprend autre chose que la face policée des combats qu'on m'a inculquée au début de ma scolarité. On y perçoit la pénibilité de la vie en ces temps-là, l'art difficile des artisans (je ne regarderai jamais plus une fresque peinte au plafond d'une église sans m'imaginer l'inconfort dans lequel l'artiste, le plus souvent méconnu, a donné tant et tant de son temps juste pour (presque) pouvoir en vivre). Un beau et bon livre d'histoires sur lesquelles s'est fondée l'Histoire moins juste, moins vraie et moins dense que celles de ces récits du vécu des petites gens! Un livre qui ouvre à une réflexion et, cependant, offre un moment de détente, de bonheur au lecteur.
Stefan HERTMANS, un auteur belge à suivre!