Il est des livres au titre accrocheur, des livres qui, lorsqu'on les voit, nous donnent envie de les acheter simplement parce que le sujet, en plus d'être mystérieux, est très lourd quand à son passif, et a marqué d'une trace indélébile non seulement le monde, mais plus particulièrement notre pays. Il est de ces livres que l'on achète les yeux fermés. Et que l'on aurait finalement souhaité garder ouvert car lorsque la lecture commence, on s'aperçoit avec effarement que le contenu est bien loin d'être à la hauteur de nos attentes. C'est justement ce qu'il s'est passé avec « Histoire de la sorcellerie », de Colette Arnould...

Colette Arnould n'est pas n'importe qui : docteur de l'université Panthéon-Sorbonne, professeur de philosophie, on est en droit de s'attendre à un ouvrage de qualité. L'on ne peut pas reprocher à l'auteur son style, envolé, maîtrisé, mais propre à la philosophie, et qui n'a absolument rien à voir avec l'histoire. Et plus on avance dans la lecture, plus l'on se demande quel est l'intérêt d'un tel livre.

Avant tout, quand on prend un livre avec un titre tel que « Histoire de la sorcellerie », on s'attend à tout ce qui fait la construction d'un livre d'histoire : un fil chronologique clair, des références au moins très légèrement argumentées ou, à défaut, des astérisques référents, et une véritable ligne de conduite de l'auteur. Hors ici, rien de tout cela. Les références et personnages historiques sont balancés au tout venant, sans explication aucune quand à leur petite histoire, au lecteur de se débrouiller. Ou il les connaît déjà, ou il se débrouille pour les connaître... ce qui est un gros problème. Un auteur doit toujours considérer que son lecteur ne connaît pas obligatoirement tous les protagonistes qu'il implique.

Ensuite, il n'y a pas de ligne chronologique. L'auteur se lance dans des thématiques qui n'ont de logique que celle qu'elle leur prête, ce qui coince quand on écrit un bouquin d'histoire. Dans un même phrase, on passe d'une date, pour la ligne suivante, sur le même sujet, passer quelques années avant. De plus, l'auteur se perd souvent en conjectures quand à des faits réels, ce qui fait encore une fois se poser des questions quand au choix du titre du livre, qui finalement aurait mieux fait de s'appeler « Considérations philosophiques sur la sorcellerie », ou un truc dans le genre. Mais forcément, ça fait moins vendeur...

Enfin, l'intérêt du livre même. Personnellement, je dirais un intérêt minime. L'auteur ne parle pas de la sorcellerie en tant que premier sujet, elle n'est que secondaire. On sent à la lecture que les seules références sont les minutes des procès de l'inquisition. Du coup, le lecteur aurait dans ce cas mieux fait de se procurer un ouvrage sur l'histoire de l'inquisition, ou les grands procès de sorcellerie, il y apprendra au moins quelque chose. Ici on survole, on ne creuse pas. Et l'on ne me fera pas croire qu'il n'existe pas d'autres récits que ceux des tribunaux inquisitoriaux à ce sujet. Il n'y a pas d'histoires sur les groupements de sorcellerie, la naissance de mouvements de pensées de sorcellerie, de récits de mœurs ou autres sur la sorcellerie... Bref, rien qui parle réellement de sorcellerie, hormis ses condamnations.

« Histoire de la sorcellerie » est un ouvrage d'esbroufe, qui ne vaut pas son prix, trop onéreux pour un ouvrage creux où l'on ne cueille que quelques petites anecdotes intéressantes mais trop rares. Comme quoi l'on peut être bardé de titres ronflants et ne pas être à la hauteur de ses ambitions littéraires...
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le 25 sept. 2010

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