Hush, de Kate White, est un beau livre. Plus exactement, c'est un livre dont l'emballage plaira aux jeunes filles de 12 à 14 ans. Première raison: Il a un aspect métallique. Or tout le monde sait qu'un objet qui brille a plus de valeur qu'un objet mat. Ensuite, sa couverture est en relief. Mode instaurée par les cartes de visite et les cartes à jouer pokemon: un objet plat avec un léger relief à beaucoup plus de valeur qu'un objet plat tout court. On passe sur le reste du design, romantico-gothic, pour s'attarder sur les autorités diverses qui nous poussent à dévorer ce roman: Vanity fair, Cosmopolitan USA (l'auteur y est rédactrice en chef), et le New York Daily News. Autant de magazines glamours, qui brillent et sont en relief eux aussi.
Et le texte, est-il bon? La réponse est non; l'explication est simple. Il existe deux ficelles évidentes pour construire la tension dans la littérature à suspens: le sang ,et le sexe. Un auteur digne de ce nom en a conscience, et choisit une stratégie à adopter vis à vis d'elles: il peut les ignorer totalement, ou les utiliser avec subtilité, en maniant un certain symbolisme ou en suggérant. Dans Hush, dès la page 50, l'auteur nous gratifie d'un meurtre post-coïtal (dont on nous fait même la promesse sur la quatrième de couverture). L'écriture, sans aucune finesse ni subtilité, plonge maladroitement dans tous les clichés des thriller. Il suffit de lire le prologue pour s'en rendre compte. Dès les premières lignes, Kate White nous propose une scène archi-classique de la frêle jeune femme piègée dans le noir par le tueur sanguinaire. Introduction sans imagination de la part de l'auteur, qui se contente de recopier quelques paragraphes pris au milieu du livre. Piètre bande annonce, comme dans ces téléfilms américains qui se sentent obligés de diffuser quelques passages clés au début pour offrir des points de reprères facilitant la compréhension d'une oeuvre pour un publique avare de concentration.
La victime s'appelle Marc Keaton. C'est un personnage que seule une femme peut imaginer: docteur, beau, riche, classe, faisant divinement l'amour, et surtout célibataire. Une fois le bellâtre éliminé, l'héroïne, impliquée par cette histoire en tant que dernière personne ayant profité des faveurs du mort, enquête sur la clinique dans laquelle il travaillait pour chercher qui aurait bien pu vouloir pour tuer son amant si parfait, et pour quel motif (en excluant la jalousie, sinon il lui faudrait suspecter l'ensemble de la population masculine).
L'héroïne, une consultante en marketing prénommée Lake, travaille dans la clinique. L'auteur, qui s'intéresse décidément beaucoup au domaine de l'amélioration de l'image commerciale, pratique sans hésitation le product placement dans son livre. Lake n'a pas de téléphone: elle a un BlackBerry(tm). Au bout de trois mentions de la marque, on se dit que le but est de camper un personnage de femme moderne et indépendante. A la cinquantième, on arrête de compter, et on s'amuse de cette pratique normalement réservée au cinéma.
Le lecteur le moins attentif devinera le fin mot de l'histoire vers la moitié du livre. Il devra alors subir sans aucune surprise une héroïne cruche à souhaits, une intrigue convenue, et des dialogues affligeants. Sauf si vous appartenez au segment de marché décrit au début de cette critique, lisez Camilla Läckberg. Erica est infiniment plus attachante que Lake.