I Am Spartacus! par Cinemaniaque
Kirk Douglas est un être dégoûtant : au-delà d’un grand acteur, d’un producteur avisé et d’un réalisateur lus qu’honnête, il s’avère être un formidable écrivain quand il s’agit d’évoquer ses souvenirs. Ses deux biographies l’avaient déjà prouvées, et ce I am Spartacus le confirme une ultime fois.
Mais pourquoi Douglas revient-il sur ce film en particulier ? Pour sa genèse particulièrement savoureuse où difficultés artistiques, complexité politique et manipulations en coulisses se sont retrouvées mêlées à l’un des plus beaux castings de l’âge d’or hollywoodien. Véritable professionnel du scénario, Kirk Douglas raconte point par point, dans un savant mélange d’humour, de précision et de suspens, comment Spartacus a failli ne pas voir le jour, quel rôle à jouer Dalton Trumbo, le maccarthysme, l’ego des acteurs et sa propre mise en danger (la société de Douglas risquait son existence sur ce projet).
Chaque personne tentant de monter un projet cinématographique devrait lire ce bouquin : concurrence des autres studios, difficulté de casting, écriture laborieuse entre un écrivain prétentieux et un scénariste blacklisté, renvoi d’un réalisateur au profit d’un autre, purement génial et purement arrogant (« Stanley Kubrick est le meilleur réalisateur avec lequel j’ai tourné… Et aussi le plus bel enfoiré que j’ai rencontré. »), tout y passe avec cette légèreté de ton, cette empathie que Douglas parvient à insuffler dans son texte. Relativement court, ce making of littéraire est d’une lucidité rare, Douglas n’hésitant jamais à se remettre en question un demi-siècle plus tard, valorisant ses collaborateurs et sa femme, conscient de l’impact de son métier sur sa vie de famille.
Plus qu’un recueil de souvenirs, I am Spartacus est un moment de grâce dans la bibliographie du dernier grand monstre sacré d’Hollywood, un flash-back envoûtant et inimitable, bref un morceau d’anthologie pour les historiens du cinéma, et les autres.