Anne-Marie, la coiffeuse sévissant à Tif’Annie l’a pourtant martelé à Christiane, assénant son dernier coup de ciseau sur sa coupe garçonne mèches blondes.

C’ est juste in-cro-yable. C’est beau, c’est génial. Sa fai du bien.


Non, elle n’évoque pas son dernier week-end spa avec Alain, ni le dernier reportage En terre Inconnue avec Christophe Maé où le barde fait subir ses plaintes gutturales à des indigènes circonspects. Non, là il s’agit de Littérature, et pourtant, d’habitude Anne-Ma ne lit pas beaucoup. Elle commence un polar suédois ou un classique français détesté au collège pour réévaluer ses préjugés, et puis elle abandonne pour une partie de mots fléchés sur son Galaxy S. Y’a des mots, ça fait réfléchir, c’est bon pour la mémoire. Mais voilà que tombe du ciel ce monolithe de 14 cm sur 21cm pour apporter le feu aux pauvres primates à lunettes. Et depuis, Anne-Ma n’a qu’une seule idée en tête : partir en suède voir les aurores boréales. Et en plus ça rime avec ses shampoing Loréal, c’est sûrement ça ce qu’on appelle Le Destin.


Et puis, elle trouve le personnage de la gamine trop attachante avec ses petites expressions revisitées. Trois fois par page pour bien faire comprendre que c’est fait exprès. On lui fait pas à Anne-ma, son œil attentif a bien remarqué que c’était un effet d’auteur, n’en déplaise aux académiciens ! C’est poétique. J’a-dore. Et l’ado rebelle qui fume du cannabis, fallait l’oser celle-là. Et la mère dépassée par son boulot de serveuse, qui peine à joindre les deux bouts, abandonné par son connaaard d’ex-mari, elle a du répondant et un merveilleux projet. Ça nous est tous déjà arrivé, de vouloir tout envoyer valser, de prendre ses valises et de foutre le camp : Virginie Grimaladi* l’a fait.

Adoptant un style simple pour s’adresser aux gens simples car ayant une vie simple et donc des pensées simples, la Brico Dépot de la littérature moderne nous invite pour un voyage à travers les routes sinueuses des rapports humains car

ce voyage est intérieur avant tout.

Le livre eût pu s’appeler : le voyage-thérapie : retisser les liens avec vos enfants, au rayon philosophie-bien être de la librairie Carrefour, entre « les bienfaits du curcuma » et « apprenez à débusquer les gens toxiques grâce à la masturbation consciente». Vivi nous peint un monde fabuleux où quand on parle c’est qu’on a quequechose à dire et quand on ne parle pas c’est qu’on a quequechose à cacher. Et quand on pleure c’est que c’est triste et que si c’est rigolo c’est parce que y’a une blague. Et ça s’engueule, ça s’époumone, ça se réconcilie, et ça repart. C’est ça La Vie.

Il y a une frontière ténue entre le populaire et le démago. L’auteurice choisit son camp puisqu’elle veut s’adresser à tout le monde. Y compris les animaux, les arbres, les pierres. Elle a inventé le roman atomique, où chacun peut s’identifier et si c’est pas le cas, c’est que vous êtes prétentieux et snob et non parce que vous n’avez pas cru un seul instant à l'existence de ces personnages. Des personnages attachants, avec des défauts, et des qualités, mais gentils, un peu vulgaires parfois, et bienveillants aussi, et avec des maladies qui font pleurer, et des relations compliquées, mais au final l’important c’est d’aimer, l’important c’est d’y croire sans s’en apercevoir, et puis derrière la colère, il y a l’espoir, la lumière qui guide l’humanité vers un âge meilleur où on serait des enfants dans un bac à sable qui ne gratte pas et où l’on fabriquerait des châteaux dépourvus de toute valeur ontologique car aussitôt piétinés, ils seraient reconstruits dans la foulée.


Il y a aussi une frontière ténue entre la simplicité et la paresse. Mais Virginie n’est pas paresseuse. Le preuve : elle écrit un roman chaque année tant sa turbine grise produit une gigantesque collection de marchandises verbeuses et qui méritent toutes d’être raconter. Ajoutez des couvertures couleur bonbons acidulés et des titres avec des mots clés comme « vie », « étoiles », « pluie » ou « nuit » et vous obtenez des produits parfaitement calibrés pour les futurs clients. Ce titre (qui eût fait un bon slogan pour ce pauvre gars qui cherchait ni plus ni moins qu’à "réenchanter l’Europe" dans son programme de 2017) a le mérite de clarifier l'intention esthétique initiale. On rallume une étoile comme on change une ampoule, c’est pas compliqué, avec un peu de débrouille on peut tout faire. Exit le sens premier du poème : gommer toutes les aspérités, essorer, repasser, j'imagine bien Virginie lire le poème et s'arrêter sur cette phrase, la stabyloter avec un petite sourire aux lèvres, la noter sur un carnet motifs papillons, imaginer la phrase tatouée sur son bras à côté des trois colombes ou bien inscrite sur un mug qu'elle offrirait à sa meilleure amie dépressive et puis, non, en fait, ça serait parfait pour le titre de son roman car y'a un moment où elle parle d'étoiles dedans.


La pire chose que puisse faire un auteur est de restreindre la vie. Virginie ne la restreint pas, elle la déballe comme une tente quechua lancée en l’air sur un terrain de camping deux étoiles, quelque part entre la piscine chauffée et le distributeur à glaces.


Merde. Je me rends compte qu’un tel étalage de mots ne rend pas hommage au produit... Ainsi, permettez que je rectifie le tir :


" produit conforme mais pièces manquantes, emballage soigné, ma petite fille de 9 ans a beaucoup aimé l’histoire, je recomande"


*authentique faute de frappe/lapsus


rascarkopeck
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le 5 déc. 2024

Critique lue 3 fois

Warren Jacob

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