Condamné à perpétuité suite aux épurations de 2016 en Turquie, le grand romancier Ahmet Altan entr-'ouvre pour nous la porte de sa cellule. Dans un langage d'une extraordinaire fluidité qui nous ferait (presque) oublier le sordide de la prison, il nous promène dans les dédales sa vie de reclus forcé. Mais il sait garder la juste distance avec lui-même. Au travers de ses réflexions, de ses rêveries et de ses aspirations, la nostalgie chez lui n'est en effet jamais retour stérile sur le passé, la tristesse n'est jamais apitoiement sur soi : il y a la vie, toujours la vie, même dans les moment les plus sombres.
Ce récit, où la vérité ne se tient jamais très éloignée d'un sens aigu de l'humour, nous rappelle combien l'homme porte un lui une dignité inaliénable, source de sa plus profonde liberté : "La réalité n'a pas su m'attraper au vol. C'est moi qui l'ai empoignée au col" (p.18) - sans pour autant que soit évacué un réalisme cru :"si tout change sur cette terre, la connerie et la lâcheté, elles, ne prennent jamais une ride"(p.52).