J’ai littéralement dévoré cette histoire en quelques heures, tant je me suis retrouvée happée par les personnages si attachants et fragiles, l’humour grinçant qui se détache de l’ensemble, et la plume rythmée de l’auteure !
La grande force du roman, c’est évidemment Deborah, dont on suit les pensées intimes tout du long. Un brin désabusée, courageuse et pleine d’humour, elle partage de manière pertinente les aléas de son quotidien.
Je vais finir vieille fille. Sur ma tombe, on lira :
« Ci-gît Déborah, la fille qui aimait les grenouilles. Las, aucune n’eut la décence de se transformer en prince charmant. »
Oui, parce que depuis la rentrée, on peut dire que le théorème de la scoumoune (#lapoisse) n’y va pas de main morte ! Jugez plutôt : sa mère, dépressive notoire, se met à découper frénétiquement des magazines, son père a élu domicile à son travail, et Isidore, son tocard de chien, mordille toutes les paires de chaussures de la maisonnée. Pas brillant hein ?
Isidore, portrait d’un héros :
« C’est l’angoisse ce chien. Un mélange improbable de Droopy en fin
de vie, Beethoven (le chien, pas le compositeur) atteint de psoriasis,
et Milou passé entre les mains d’une esthéticienne sous acide. »
On suit donc Deborah sur toute son année de terminale, un peu à la manière d’un journal du quotidien. Nous sont alors exposées ses relations parfois complexes avec les adultes qui l’entourent, ce qui permet de jauger le caractère de chacun et d’en découvrir davantage sur leur passé, parfois douloureux. Heureusement, pour l’accompagner dans ses déboires, elle peux compter sur sa copine Éloïse, reine des crusheuses en série, ainsi que de Jamal et Victor, les nouveaux potes de cette rentrée haute en couleur.
Jamal, ou le don de désamorcer les situations conflictuelles :
« Cependant, Mygale-man n’a pas dit son dernier mot .
– Je ne sais pas de quoi vous parler , mais une chose est sûre : oui , je suis son petit ami. Quand ce magnifique chien aura terminé sa
besogne, nous nous mettrons nus, elle et moi, nous nous roulerons par
terre et nous ferons l’amour comme des bêtes en nous barbouillant de
caca. »
Jusque-là, rien de trop exceptionnel me direz-vous. Sauf que là où Je suis ton soleil se démarque et fout les poils, c’est par son ton résolument joyeux malgré les thèmes grave que Marie Pavlenko choisit d’aborder (avortement, suicide, tout ça tout ça…). Elle fait preuve d’une grande sensibilité pour évoquer les événements, et nous livre, à grand coup d’humour, un roman léger et très rythmé, que l’on placera dans la pile des livres « à relire en cas de coup dur ».
Mention spéciale aux noms de chapitres, qui font chacun référence à des œuvres musicales ou littéraires existantes ! Elles apportent une touche de fantaisie bienvenue qui contribue à faire le charme du roman et donnent de la profondeur au récit.
Je suis ton soleil fait partie de ces romans uniques en leur genre, teintés d’un doux optimisme, à la fois plaisants, décalés et écrits avec un talent certain. Marie Pavlenko a bien ciblé son lectorat : le vocabulaire utilisé est assez courant, l’écriture (c’est à dire les pensées de Deborah) fluide, et s’il s’agit avant tout d’un roman d’apprentissage sur l’adolescence, le récit pourra facilement plaire aux adultes (la preuve !).