Je retrouve avec plaisir Dany Laferrière après avoir lu enfin Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer. Trouver ce roman avait été toute une aventure. Et lors de cette aventure, étant bredouille sur mon premier choix de livre de cet auteur, je m'étais rabattu sur celui qui nous intéresse aujourd'hui. Une fois de plus, le titre m'avait intrigué. En effet, comment cet écrivain noir, originaire d'Haïti et de nationalité canadienne pouvait-il se prévaloir de la qualité d'écrivain japonais ? Ce roman nous offre une réponse toute en évocations, douceur et en émotions.


Le titre justement, le narrateur qui est aussi écrivain se vante d'être un excellent titreur et on ne peut que le constater. Et plus que le roman en lui-même, sa substance, c'est ce titre qui oriente l'expérience du lecteur. C'est ce titre qui anime l'intrigue. C'est ce titre qui intrigue tout simplement. Les autorités japonaises dans le roman. Mais aussi l'amoureux des mots qui commence à se demander ce qu'est l'identité. Terme abondamment abordé avec subtilité.


Une part non négligeable de l'identité, nationale de surcroit, s'exprime par la littérature. Et même si l'auteur de ce roman n'est pas japonais, il parsème suffisamment d'éléments (fantasmés) du Japon pour créer un climat très intéressant. De l'artiste Midori qui hante les nuits de Montréal, au poète Basho abondamment cité. Et c'était un plaisir pour moi de retrouver ce nom après avoir lu un livre qui enseignait comment composer des authentiques haïkus.


D'ailleurs le haïku est un élément indispensable pour bien appréhender ce roman. Sa structure n'est pas traditionnelle, les chapitres sont très courts, la narration est discontinue tant et si bien que la forme rappelle la démarche du haïku, mais dans des proportions plus grandes. Chaque chapitre étant là pour scorer des points au niveau émotionnel avec des éléments souvent indépendants de ce qui précède.


Et pourtant, malgré tout cela, on s'attache aux personnages qui vont et viennent au gré des rencontres du narrateur. On s'attache à ce narrateur écrivain qui en plus de ses titres décalés, trouve toujours des formules exquise dans un style simple, direct et percutant.



Chaque nuit je rêve encore de ces orages tropicaux qui font tomber les mangues lourdes et sucrées dans la cour de mon enfance.



Cette phrase issue des premiers chapitres illustre bien ce livre qui mise beaucoup sur la nostalgie, le fantasme et l'idée qu'on se fait de son identité, et de tous les éléments qui la façonnent. Avec ce court roman, Dany Laferrière démontre une fois de plus tout son talent.

Andika
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le 25 mars 2021

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