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Je recommande a quiconque serait interesse par la lecture du bouquin de Bihouix de le lire d'une traite, quitte a reprendre des parties lors d'une deuxieme lecture, la table des matieres etant suffisamment bien fichue pour retrouver un passage d'interet sur lequel on aurait envie ou besoin de revenir.
L'interet principal de l'ouvrage est de democratiser et populariser le concept de technologies a basse intensite (dommage d'avoir ceder aux sirenes de l'anglicisme ''low tech'', vraisemblablement pour des raisons editoriales, afin de faire miroir au terme ''high tech''). Les grands principes de ces technologies sont resumees dans la partie II (acte II) et des exemples de champs d'applications sont repetories dans la partie III (acte III).
Grands principes des technologies basse intensite (acte II) :
1] Remettre en cause les besoins (en gros, eloge de la sobriete) ;
2] Concevoir et produire réellement durable (insite aussi sur la notion de reparabilite des produits) ;
3] Orienter le savoir vers l’économie de ressources ;
4] Rechercher l’équilibre entre performance et convivialité ;
5] Relocaliser sans perdre les (bons) effets d’échelle ;
6] « Démachiniser » les services ;
7] Savoir rester modeste.
Exemples de champs d'application (acte III) :
1] Agriculture et agroalimentaire ;
2] Transports et automobile ;
3] Bâtiment et urbanisme ;
4] Produits de consommation, sports et loisirs, tourisme ;
5] Nouvelles technologies, informatique et communication ;
6] Banque et finances ;
7] Ballet du troisième acte : aimer, vivre et mourir à basses technologies ;
8] Quand la poubelle disparaîtra ;
9] Et l’énergie dans tout ça ?
Comme enonce au paragraphe precedent, je renvoie les lecteurs interesses aux differentes sous parties de ces deux actes qui sont clairement repertoriees en table des matieres.
Personnellement j'ai vu un autre interet a l'ouvrage, auquel je ne m'attendais pas forcement : il s'agit d'un manifeste d'ecologie souverainiste qui ne dit pas ouvertement son nom et qui ne saute jamais completement le pas, contrairement au bouquin de Philippe Murer sur la transition ecologique (que j'ai egalement commente) qui affiche la couleur des les premieres pages. Mon interpretation c'est que Bihouix est un ingenieur qui ne vient pas du mouvement souverainiste a la base mais plutot de la gauche politique disons contestataire, antiproductiviste (ou productivo-sceptique) et anticonformiste, comme en temoignent la quasi-integralite des references bibliographiques reportees en fin d'ouvrage. Je citerais pele mele, Marshall Sahlins, Ivan Ilich, Hartmut Rosa, Jacques Ellul, Jean Claude Michea ou encore Emmanuel Todd, parmi beaucoup d'autres. Et c'est avec ce double bagage technique (ingenieur) et intellectuel qu'il aboutit (peut etre malgre lui) a une convergence de point de vue finalement tres forte avec les souverainistes, a partir de l'angle ecologique.
Avec ce que j'ai decrit au niveau intellectuel, il y a forcement un petit cote khmer vert qui en fera bondir certains. Personnellement j'ai tique a plusieurs endroits mais je pense que Bihouix a une demarche de bonne foi d'effort et de survie collective en vue d'un projet qu'il pense de bon droit sincerement galvanisant (revenir du consommateur au citoyen, rendre la nature plus belle et la societe non seulement vivable et resiliente mais plus ouverte aux humanites a la pratique musicale aux competences manuelles). Disons qu'en contraste d'un San Giorgio qui raisonne plutot au niveau non pas purement individuel (ca serait faire un mauvais proces a ce dernier) mais de reseaux de solidarite (reticularite par le bas) Bihouix a une approche plus collectiviste et verticale (ce qui explique aussi au moins en partie sa vision de l'etatisme fort qui rejoint le point de vue des mouvements souverainistes du moins francais, confere ci-avant).
Fondamentalement, la critique de khmer vert me parait donc inequitable, du moins lorsque l'on veut critiquer serieusement, d'autant que Bihouix montre dans les premieres pages qu'il est a la base plutot un technophile la tete tournee vers les etoiles ; une critique plus pertinente (qui fonctionne egalement a l'egard des souverainistes d'ailleurs) serait de dire que la situation (economique, ecologique, demographique, institutionnelle, etc.) est deja trop degradee pour esperer attendre quoi que ce soit d'un volontarisme d'Etat ou d'un corps national de facto totalement archipelise (pour reprendre la formule de Jerome Fourquet) pour ne pas dire plus (je renvoie par exemple a ma critique precedente sur ``Guerre Civile Raciale'' de Guillaume Faye). Une autre critique pertinente serait de justifier une sortie de crise par le haut (c'est a dire par des progres technologiques revolutionnaires) en contre argumentant les aspects avances par Bihouix notamment sur la depletion des metaux ou le pic de tout (peak everything des metaux et de l'energie).
Voici quelques passages que j'ai releve de la lecture (je ne pretends absolument pas a l'exhaustivite) ; pour la numerotation des pages, je me refere a la collection Anthropocene des Editions du Seuil de 2014 :
I] Acte I, environ 100 pages, tres interessant a partir de la limite de l'economie circulaire, du moins telle qu'actuellement pratiquee (recyclage imparfait), c'est a dire a partir de p.68 ;
II] Acte II : 1ère sous partie sur la limitation volontaire (mais aussi forcee) de la demande pas idiot mais mal tourné ; apparaît volontairement liberticide alors qu'il aurait pu partir de l'affaiblissement anthropologique qu'implique la société de consommation ;
III] Acte II, 2ème sous partie : bon sens en terme de résilience et promotion des circuits courts à savoir relocaliser augmenter la réparabilité et durée de vie des produits ;
IV] Bihouix propose non pas de se refermer a l'innovation mais de rediriger la recherche vers agriculture bio/agroecologie/permaculture et renforcer ses connaissances en chimie du vivant ; sans le dire il evoque un systeme de recherche applique assez proche du commissariat au plan gaullien (p. 136-137)^ ; il mise aussi sur une education populaire notamment sur les savoir paysans ou le compostage (p. 137), ce que je trouve louable ;
V] p.138 : reference au monde convivial d'Ivan Illich ; c'est vrai, mais ca va aussi dans le sens de la demondialisation deja evoquee avant avec les circuits courts ; egalement un retour au fait politique semi-enonce ;
VI] p.139-141 : technologique plus rudimentaire pour les voitures (néos 2CV) ; reference pas tres subtile a Hanns Johst p. 141 (sortez votre revolver) ;
VII] p.142-160 : distinction utile entre les industries de procédés (intrants) qui ont vocation à plutot rester à un niveau régional (= continental) et relativement grosses ; les manufactures qui ont vocation à revenir au niveau national (fabrication de nouveaux produits) et local (notamment pour la réparation/reprise) et les industries de réseau qui n'ont pas vocation à s'ouvrir à la concurrence (monopole naturel ayant logique écologique et économique ; discutable concernant la téléphonie) et dont la complexification énergétique doit être relativisée pour rester soutenables (aussi une discrète allusion au besoin des zones périurbaines et rurales de s'autonomiser (du tout à l'égout notamment) ;
VIII] p.160-164 : réflexions très intéressantes sur la demachinisation partielle souhaitabledes services (sachant que la machinisation crée un néoproletariat de logistique n'ayant plus aucun rôle social et quil y a un coût environnemental et commercial à cette machinisation) ;
IX] Scepticisme loi de Moore p.227 (a verifier toutefois si la limite des 10 nanometres pour la gravure des transistors n'a pas ete franchie) ; bon argument écologique contre l'hyperconcentration des serveurs données (aux mains des GAFAM) p.229 ;
X] p.237 : limites de l'extension des marches. Limite non relevee par Bihouix,c'est precisment le communisme du quotidien (donc le non marchandise) dixit feu Graeber qui permet au système de survivre (``pensée complexe'' du pere Morin)
XI] p.245 : passage oeuf de Paques ; je vous y renvoie ; personnellement j'ai beaucoup ri. Je soupconne Bihouix d'etre serieux au dela du trait d'humour
XII] p.247-249 passage inattendu sur la démographie : un peu joueur de flûte sur la question migratoire (Bihouix a tout de meme le merite de se referer a Michea a ce moment la) mais réflexion profonde sur la question du rapport à la vieillesse et la mort ;
XIII] p.250-251 : sans aller aussi loin que sa proposition de cimetieres ``chamaniques'', les cimetières celtes ou de l'anglosphere sont également intéressants de ce point de vue (des cimetieres ouverts a la nature peu betones) ;
XIV] p.297-298 : appel à un volontarisme nationaliste (ou du moins souverain) non assumé à rebours de l'agenda mondialiste ; très lucide (du moins selon moi) sur la fumisterie d'une gouvernance mondiale pour relever le defi de la transition ecologique ;
XV] p.302-303 : appel semi-ouvert à un retour d'un État stratége protectionniste
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^ : A un autre endroit il reconnait a demi-mot les merites du colbertisme... Decidement Bihouix ne franchit jamais totalement ouvertement le cap du souverainisme etatique a la francaise