L'Anabase - Le Banquet par GrandGousierGuerin
L’Anabase
Tout d’abord un bref résumé s’impose car le titre par lui-même n’est pas très évocateur.
Wikipedia en propose un très correct : « C’est l'œuvre la plus célèbre de l'Athénien Xénophon. Elle raconte le périple des Dix Mille, mercenaires grecs engagés par Cyrus le Jeune dans sa lutte contre son frère Artaxerxès II, puis leur retraite vers l'Hellespont. »On pourrait ajouter mais c’est plus ou moins implicite que Cyrus a été vaincu, ce qui a entraîné la défaite des Dix Mille. Et encore, si on est un peu pointilleux, Cyrus a été tué lors du combat alors que ses troupes avaient plutôt le dessus et pensaient même avoir remporté la victoire. Mais faute de chef et surtout de trône à conquérir, il ne reste plus aux mercenaires qu’à rentrer chez eux : on est seulement au premier livre sur un texte en comprenant sept. Et la partie est loin d’être gagnée : une vraie gageure ! En effet, imaginez une armée perdue en territoire ennemie, à des centaines de kilomètre de leur patrie (des environs de Babylone il faut retourner en Grèce), sans victuaille, sans allié (ou pour être plus précis leurs anciens alliés deviennent leur pires ennemis) mais aussi sans chef incontestable, sans carte et guide sans oublier que cette armée n’est composée de que mercenaires qui n’obéissent qu’à celui qui saura leur apporter le plus de gain … Pas facile …
Et Xénophon dans tout cela? Il n’est pas que le simple chantre de cette histoire, il en est aussi partie prenante et pas qu’un peu : il obtient tout de même un des principaux postes de commandement … Ce n’est pas le simple hoplite à qui on demande juste d’être habile de la lance et de l’épée. Et pourtant, rien ne laissait imaginer qu’il allait jouer un tel rôle … Initialement Xénophon s’est joint à cette armée comme une sorte de reporter avant l’heure et on ne le connaissait qu’en tant qu’élève de Socrate. Donc rien d’un foudre de guerre à priori …
Bon je ne vais pas évoquer plus le récit et vous découvrirez par vous-même comment Xénophon se transforme de simple scribouillard en un habile Alexandre et les pérégrinations des Dix-Mille qu’on pourrait qualifier d’Odyssée.
Concernant le style (en tenant compte des aléas liés aux travaux et interprétations d’une traduction), il est direct, précis comme des ordres militaires : pas d’envolée lyrique, par contre une étude stratégique de la situation, un plan de bataille, un bilan des combats … Cela pourrait paraître rébarbatif si en toile de fond on n’entrevoyait d’autres pans de la vie d’une armée du monde antique, des contrées et des peuples qu’elle traverse, les rapports (tension, alliance, haine …) entre les différentes cités grecques au travers des différents groupes de mercenaires, mais aussi les rapports entre soldats et leur supérieur ou même leur mignon … Outre les attraits inhérents à la lecture d’une épopée, la perception du mode de vie et de pensée des Hellènes de l’époque classique a été source de découverte, de questionnement et même d’amusement … et finalement plaisir de lecture, ce qui est tout compte fait le plus important, non ?
Le Banquet
Ayant déjà lu le Banquet de Platon, on m’a vivement recommandé de lire celui de Xénophon.
Et quelle bonne surprise ! J’ai bien plus aimé la version de Xénophon … mais en fait, ce n’est pas le même livre … Là où Platon étale sa maïeutique après avoir sommairement campé le lieu et les protagonistes, Xénophon m’a fait rire des situations et répliques qu’il sait si bien enchaîner … Et Socrate est loin d’être le sage que j’ai connu avec Platon : il n’hésite pas à boire jusqu’à se mettre dans des états pas possibles jusqu’à presque se présenter à l’élection Monsieur Mignon … Et ici la maïeutique a parfois des relents jouissifs de brèves du comptoir …
J’ai donc eu l’impression de découvrir du Feydeau ou du Labiche à la sauce antique : Hellènes et les Garçons ?
Je vous engage donc à prendre part à ce Banquet … Peut-être y trouverez d’autres plats à votre convenance (ou pas), en tout cas je vous assure que le service ne sera pas long si on considère la faible épaisseur de l’opuscule …