Après que mon bien aimé Jean d'Ormeson nous a abandonnés, il fallait penser à le remplacer. François Cheng paraissait un candidat sérieux pour le poste de grabataire céleste, prince et gardien de la littérature française, mais c'est finalement Philippe Solers qui s'impose, conforté un peu plus par cette époustouflante école du mystère.
Solers y devise de tout et de rien. Des Fanny, qu'elles soient femmes ou hommes, figure du contemporain majoritaire, par trop occupé et pétrifié dans un lourd présentisme qui ne peut que les situer au milieu du centre. De délires incestueux, que l'on devine fantasmagoriques, avec sa sœur Manon et sa tante Odette. Fanny et Manon sont perpétuellement mises en opposition par la typologie de leur caractère et de leur vision du monde.
Sollers nous parle de Heidegger, de Céline, évoque Rimbaud, le marquis de Sade et revient sans cesse aux mystères qu'ils soient de la foi ou de son école. Et puis il y a cette phrase contenue dans le chapitre intitulé Nervure, petit joyau de transcendance et de vérité, qui statufie l'intellect par sa puissance et échauffe nos globules : « J'aime cette poussière qui me constitue et qui écrit ». L'avidité
à emmagasiner savoir et culture est cette poussière miraculeuse qui s'envole parfois pour retomber comme une pâte, sculptée par le stylo dans une action autoguidée. Nous sommes les instruments de cette épaisse couche de poussière recouvrant les trésors qui nous ont forgés.
Pour conclure, le livre précieux d'un érudit qui n'a pas abdiqué sa part de transgression, incompréhensible pour toutes les Fanny et d'une moquerie réjouissante. Sollers et ses cigarettes anachroniquement exhibitionnistes devrait enchanter avec « L'école du mystère » ce qu'il reste d'esprits libres dans une société déliquescente, un monde où la pruderie et l'hygiènisme voudraient écraser l'infamie d'un art littéraire à ciel ouvert.
Samuel d'Halescourt