L'Épopée du buveur d'eau par chlorine
On retrouve dans ce roman plusieurs ingrédients des autres roman d'Irving que j'ai lus (Le monde selon Garp et L'œuvre de dieu, la part du diable), et principalement : un personnage principal un peu décalé, en mal-être sans vraiment savoir pourquoi, ainsi qu'un mode de narration non chronologique, qui nous fait découvrir plusieurs parties de la vie du personnage comme s'il s'agissait de morceaux d'une même fresque.
J'ai retrouvé avec plaisir ce mode de narration, où l'on découvre petit à petit trois périodes clés de la vie de Trumper : sa rencontre avec sa femme, sa séparation d'avec celle-ci, et son histoire avec une autre femme qui a lieu plus tard. Ce mode de narration, parfaitement maîtrisé par l'auteur, change pour moi complètement la façon dont on ressent une histoire. Notamment cela crée du suspense sur des choses qui sont dans le passé par rapport au moment qui est raconté, et cela m'a captivée du début à la fin.
J'ai aussi apprécié le côté décalé de ce roman, et les aspects absurdes qui transparaissent souvent, à la fois dans les situations dans lesquelles Trumper se plonge, et dans la façon dont il ressent les choses.
J'ai par contre été assez agacée par le personnage principal, un homme décalé facilement déboussolé par le monde qui l'entoure, mais dont la principale caractéristique est au final d'être extrêmement passif. Un peu de passivité n'est pas un grave défaut en soi, mais on parle ici d'une passivité totale sur certains sujets extrêmement importants, comme le fait d'avoir des enfants ou pas.
Je suis peut-être dûre en disant qu'il s'agit d'un défaut de ce livre, car le personnage est malheureusement très crédible et je ne pense pas que tous les romans doivent présenter des personnages sympathiques. Il me semble cependant qu'il y a un décalage entre l'angle "sympathique mais déboussolé" du personnage que le roman me semble mettre en avant, et le fait que j'ai au final l'impression que le personnage se facilite grandement la vie en se cachant derrière cette apparence et n'a du coup plus grand chose de sympathique.
Peut-être que j'ai tout faux et qu'au contraire ce côté déboussolé masque de vrais troubles psychiatriques, une certaine scène du livre (mais une seule d'après mes souvenirs) semblant pointer dans cette direction. On aurait alors affaire à un personnage qui s'en sort plus ou moins malgré ces troubles. Si c'est cela la bonne lecture ç'a été trop subtil pour moi.
Au final ma recommandation serait que ce livre n'est pas indispensable pour ceux qui ont déjà lu d'autres livres d'Irving, et que ceux qui n'en ont pas lu feraient bien mieux de commencer par ceux que je cite en début de note.