Le vingtième siècle dans ta gueule !
Et ça fait mal ! Éric Hobsbawm s'est attelé à la tâche titanesque de nous proposer, avec ce livre, une analyse en profondeur du siècle qui a vu naître chacun de nous. L'angle abordé est tour à tour politique, économique, social, culturel ou encore scientifique. Je sais, ça calme. Tout au long du fleuve sinueux des 750 pages de cette incroyable réflexion, nous avons un aperçu de qu'ont vécu les milliards de personnes qui nous ont précédés: la barbarie des deux Guerres Mondiales, la misère des années 30, la Guerre Froide, les révolutions du Tiers-monde, l'incroyable avancée technologique et sociale de l'Age d'Or occidental, la déliquescence des arts nobles, l'obscurcissement Maoïste de la Chine et bien d'autres choses encore, souvent horribles et synonymes de destructions et de souffrances, malheureusement. C'est en cela que le XXème siècle, marquant la plus grande avancée scientifique de l'Homme, s'est révélé particulièrement paradoxal.
A qui s'adresse vraiment le livre ? Lorsque j'ai commencé la lecture, je n'avais qu'une connaissance très superficielle de la géopolitique du XXème siècle et comptais justement par ce fait y remédier. C'était pas aussi simple. L'Age des extrêmes ne s'adresse pas au néophyte complet. Si, la plupart du temps, j'ai su me débrouiller avec les concepts que je rencontrais, il m'est arrivé sur plusieurs pages d'être totalement largué: l'auteur s'adresse à des personnes qui connaissent Marx comme leur poche et qui peuvent frimer comme des bêtes aux soirées mondaines en exposant la théorie keynésienne. Si vous vous reconnaissez dans cette description, c'est cool. Sinon, quelques heures de recherches sur Internet seront nécessaires pour compléter votre compréhension des faits marquants de cette ère de destruction. J'ai personnellement mis 4 mois à digérer la totalité du livre, recherches connexes comprises, pour vraiment prendre le temps d'assimiler sa richesse intrinsèque. Ça me change de Picsou magazine...
A côté de ces difficultés, que le quidam moyen rencontrera, j'ai été surpris de lire des chapitres qui surexpliquaient presque des faits qu'on pourrait qualifier de connus, voire qui balançaient des truismes comme si, d'un coup, on s'adressait à nouveau aux p'tits branleurs comme moi. Par conséquent, je pense que le livre ne s'adresse pas non plus à des historiens confirmés, qui risqueraient de s'ennuyer lors de certains passages. Ou alors, juste pour profiter de la pensée globale de l'auteur, d'une justesse et d'une objectivité assez remarquables pour quelqu'un qui n'a jamais caché son obédience communiste. Ça ne l'empêche en effet à aucun moment de fustiger Staline ou Mao et de reconnaître la supériorité empirique du capitalisme, tout en nous invitant à rechercher une idéologie plus humaniste. Bref, un puit de sagesse qui concerne, je crois, les personnes entre deux eaux, qui se sont déjà intéressées à ce genre de sujets auparavant et qui cherchent à lier leurs quelques connaissances dans une trame globale porteuse de sens. Il faudra juste s'en donner les moyens.
Dommage enfin, que certains thèmes qui m'apparaissent importants soient torchés en 1 page ou alors complètement oubliés. Je pense à la conquète spatiale, aux "laboratoires d'idées" et autres clubs de pensée élitistes tels que les Bilderbergers qui tentent de diriger certains pans de la société dans l'ombre ou encore les Mafias.
Si j'ai parlé de "réflexion" pour qualifier le texte d'Hobsbawm, tout à l'heure, c'est parce qu'il ne se contente pas d'aligner les faits historiques et les dates pour nous raconter l'Histoire. Il nous explique l'Histoire, rend compte des connexions des évènements et des bouleversements tant externes qu'internes à l'Homme et nous permet d'entrevoir la formidable construction qui en résulte et qu'on nomme civilisation. Se permettant quelques pistes pour le futur en fin de volume, l'auteur nous laisse surtout face au défi de notre propre avenir, plus incertain que jamais, si sombre même qu'il demandera des hommes et des femmes plus éclairés et réfléchis que jamais. S'intéresser à notre héritage historique est un premier pas en ce sens.
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