Toujours charmée par l'écriture poétique de Paolo COELHO qui sait si bien nous emporter dans son univers fait de paraboles et de métaphores philosophiques et après avoir lu « l'Alchimiste » que j'avais adoré, puis « Veronica décide de mourir », « sur le bord de la riviera Piedra » et « le démon et Mademoiselle Prym », je me lance cette fois dans la lecture de « l'Espionne », biographie romancée de la célèbre courtisane Mata Hari fusillée en 1917 pour espionnage pendant la première guerre mondiale.
Arrivée des Pays-Bas sans un sou vaillant, Margaretha Geertruida Zelle de son vrai nom, rêvant de luxe et de liberté deviendra danseuse « indienne » (danse inventée par elle qui ne se rapporte à rien de connu dans le milieu asiatique ou indien) et osera se dévêtir sans aucuns complexes devant les plus riches et les plus puissants de l'époque, devenant ainsi la coqueluche du « Tout Paris » de ce début de XXème siècle.
En donnant la parole à cette femme trop en avance pour son époque, Paolo COELHO en fait une héroïne douloureusement humaine. On la découvre tour à tour, docile, provocante, méprisante, orgueilleuse, bravache, perdue, déçue, une femme-enfant à la limite de l'irresponsabilité, plus manipulée que manipulatrice elle-même, flouée, violée et finalement très mal-aimée. Ce livre écrit à la première personne du singulier, est constitué de lettres qu'elle écrit à son avocat depuis la cellule où elle est enfermée en attendant l'application de la sentence du verdict du procès (la mort) et qui devra les remettre à sa fille pour qu'elle sache qui était véritablement sa mère.
Parce que cette Escort-girl de luxe et de haut vol, habituée à l'argent et au succès, a rencontré et côtoyé les plus grands de l'époque des milieux politiques ou artistiques ce qui lui vaudra d'être « approchée » par les Allemands en cette fin de guerre. Pendant cette période trouble, Mata Hari va effectivement se rendre en Allemagne, prendre l'argent qu'on lui offre sans avoir l'intention de donner quoi que ce soit en échange (d'après COELHO) puis tente de revenir en France pour y dénoncer la subordination et offrir ses services à l'armée qui aussitôt la soupçonne de trahison. Il ne faut pas oublier qu'on est dans le contexte de l'après Dreyfus et que la justice cherche à faire un exemple. Elle le trouve en la personne de Mata Hari, qui bien que portée aux nues par le gratin de la société, sera immédiatement honnie et mise au ban dès qu'elle sera accusée de traitrise. Plus personne pour défendre cette femme, ivre de liberté et grisée d'excès, à part un bien piètre avocat, Maître CLUNET qui ne pourra éviter l'exécution.
Ce livre, très bien écrit, survole cependant la vie de l'artiste qu'elle était, sans rentrer dans les détails de ses relations avec certains dignitaires français et allemands, ce qui aurait été très utile pour nous éclairer plus complètement sur le rôle qu'a pu jouer Mata Hari. En restant vague et approximatif, Paolo COELHO a pris le parti de ne nous conter que la version romanesque de sa vie en démontrant, sans ambiguïté, qu'elle était selon lui innocente du crime dont on l'accuse mais pas exempte de reproches concernant ses moeurs.
Je dirais que ce court roman constitue une « mise en bouche » et qu'il nous donne l'envie d'en découvrir plus sur la vie de cette femme bien trop émancipée pour son temps, qui n'en faisait qu'à sa tête et qui a connu un succès fulgurant, a également eu une fin tragique et a payé de sa vie ses désirs de liberté: c'est le destin d'une grande héroïne, romantique en diable et cependant très énigmatique et équivoque. Elle reste et restera un grand mystère pour toujours et un fantasme aussi pour un bon nombre de personnes.