Alors, les enquêtes de Frère Cadfael d'Ellis Peters, j'en ai été très friande fut une époque. Une époque où j'étais plus jeune, moins difficile et moins critique. Je ne dédaigne pas en relire très épisodiquement, mais le charme que je leur trouvais il y a quinze ou vingt ans s'est émoussé.
J'ai donc lu L'été des Danois pour la première fois il y a une vingtaine d'années, et j'avais - avouerai-je mes faiblesses ? - adoré l'histoire d'amour. L'ennui c'est que j'ai relu ce roman bien plus tard et que j'ai commencé à me poser des questions qui ne m'avaient même pas effleurée dans ma folle jeunesse. Car cette histoire d'amour, elle a lieu entre une charmante jeune fille galloise et un superbe jeune homme viking. Parce qu'il faut bien appeler chat un chat, et qu’au moyen-âge, les Danois, c'était des Vikings. Vous voyez sûrement où je veux en venir.
La jeune fille, Heledd, se trouve être enlevée par toute une armée de Danois, menée par le beau Turcaill, qui s'empresse de la protéger et ordonne à chacun de la respecter. Et chacun, bien entendu, respecte à la lettre les ordres de Turcaill, qui espère bien récupérer une rançon pour la restitution de la belle Heledd à son père. Tout le monde est très gentil pour elle au camp danois, très poli, très gentleman, quoi.
Ellis Peters a-t-elle le moindre idée de ce que représentait pour une femme la vie quotidienne au moyen-âge ? Est-ce qu'elle entend réellement nous faire avaler qu'une bande de Vikings énervés va préserver une jeune fille dont ils n'ont rien à fiche, dans le seul but d'en tirer une rançon improbable (leur but premier n'ayant rien à voir avec ladite rançon) ? Je ne dis pas que les Vikings étaient tous d’horribles barbares, mais enfin, il y a lieu de penser que si une Heledd a un jour, il y a bien longtemps, vraiment été enlevée par un Turcaill, elle a probablement été violée, violée, violée et encore violée.
Alors loin de moi de demander à corps et à cris des romans d'un réalisme cru et désespérant - on a maintenant Le trône de fer et consorts pour ça (enfin on nous a sorti de ce bourbier infernal de la fantasy rose bonbon), encore que là aussi, on y véhicule quelques fantasmes sur le moyen-âge - mais c'est le jeu, justement. En revanche, si Ellis Peters ne tenait à écrire que des enquêtes médiévales assorties d'amourettes, pourquoi s'être enlisée dans cette histoire d'enlèvement qui ne tenait absolument pas debout ? Autant les autres histoires mettant en scène Frère Cadfael passent encore, pour la plupart, autant celle-ci sonne faux dans un tel contexte historique.
D’autant que le reste de l'intrigue est constituée de la trame habituelle des enquêtes de Frère Cadfael, avec ennemi qu'on poursuit mais dont on respecte les convictions politiques, et, ne l'ai-je pas assez dit enfin (il me semble que si), une histoire d'amour entre deux jeunes gens charmants qui font semblant de se détester au début mais s'adorent dès le premier regard. Bon, j'avoue (je ne crois rien divulgâcher) : même à la seconde lecture, j'étais contente de voir Heledd rejoindre Turcaill en catimini pour s'embarquer pour une nouvelle vie. Je suis incorrigible !