Le roman commence par un chapitre stupéfiant. Jules Verne y raconte comment un groupe va attaquer une agence bancaire londonienne. Ils vont repartir avec un butin estimable, et le directeur de l'agence disparaîtra. La police lancera un avis de recherche pour le retrouver, convaincue qu'il est le complice, voire l'instigateur du vol. Ce chapitre, qui n'est pas loin de rappeler l'ouverture fulgurante de Heat, est d'autant plus intrigant qu'on va ensuite passer à quelque chose de complètement différent.
Du climat anglais, on passe sans transition à celui de Konakry, en Afrique de l'Ouest, où s'apprête à partir une expédition dirigée par deux députés français. Le but de la mission ? Savoir si les habitants indigènes sont assez développés, cultivés, en un mot "civilisés" pour pouvoir participer à des élections.
D'emblée, on aborde le problème principal de ce roman, un problème bien connu des lecteurs de Verne parce qu'on le retrouve dans bien d'autres œuvres : son ethnocentrisme. pour faire simple : en dehors de la culture occidentale, tout le reste n'est que barbarie. Les Noirs sont, bien entendu, des sauvages. Des bons sauvages, soit (tous les méchants sont blancs), mais des sauvages quand même, ridicules et parfois même dégoutants dans leurs habitudes alimentaires et leur manque d'hygiène. Il est toujours stupéfiant de voir que Jules Verne, si avancé sur son temps sur le plan technique, si imaginatif, était aussi ancré dans son époque au sujet de telles croyances. Et, forcément, ça constitue une gêne à la lecture.
Mais Jules Verne est un excellent narrateur, un formidable raconteur d'histoires. L'expédition partira tranquillement ; les dangers naturels sont présents, bien évidemment, mais d'autres événements sont plus suspects : trahisons, panique chez les villageois rencontrés, bruits étranges dans la nuit. Rien qui puisse empêcher la mission Barsac d'avancer, mais autant de mystères.
Et juste avant que la situation ne devienne trop répétitive, voici que Verne, avec talent, change complètement de direction. Au milieu du roman, un grand coup de théâtre se produit, inattendu, imprévisible, et tout le reste en est transformé. Cette seconde partie est excellente, de très loin la meilleure du roman. De l'aventure et du mystère à profusion.
Bien entendu, comme c'est Jules Verne, c'est assez facile à lire, d'autant plus que l'auteur alterne les narrateurs. En effet, dans son récit, il implante les articles écrits par le journaliste embarqué dans l'expédition, ainsi que ses notes.
Un roman peu connu, qui n'est pas le meilleur de l'écrivain, mais qui constitue un très bon divertissement.