Cadre quasi-intemporel. L’action pourrait aussi bien se situer dans les châteaux aurévilliens, on y Whisterait autour d’un bon fernet-branca, conversant mollement de formidables chouanneries d'antan. De somptueuses duchesses anglaises 3 fois veuves alimenteraient sur elles d’extraordinaires rumeurs et autres conciergeries surnaturelles, mythifiées momies vivantes dans leur burlesque apparat.

Mais Nobles chouans et britishes Ladys ont laissé la place à l’ennui et à la décadence. Ces riches demoiselles et leurs jolis damoiseaux se vautrent dans un insipide libertinage opiacé, papotent autour de médiocres gueuletons et match-races de golf. Gille se débat à peine dans ce luxuriant fossé, bien certain de rien au début, sauf de survoler la mêlée des Swingers, drolatique anachorète mondain qui suscite sur son passage vilaines montées de chaleurs, sudations et autres flottes libidineuses. Sa folie de séduire s’évente aussitôt qu’elle aboutit. Alors, il pallie à cette fatigue d’être lui et à ces continuelles déceptions en payant : la Pute tient non lieu d’exutoire mais de bréviaire, chapelet de femmes.

La recherche d’intemporalité tient dans le fait que la saison des Amours n’a point d’époque, pour faire cul-cul. D’aucun serait surpris de débusquer au détour d’un bosquet fleuri la Pompadour et les 3 Mousquetaires en plein bukake (La Femme Recouverte d'Hommes), D'Artagnan à la Bétacam.
Plusiers problématiques demeurent. Celle de l’Argent d’abord : il faut être bien pourvu(e). «Madame est bien née, mais s’est mal mariée», perçoit-on dans un pouffement étouffé. Le Big Bang de la Guerre résonne encore de tous ses tromblons sur les âmes échaudées : séduction et tranchées, même combat. Papa a besoin de son espace vital et de ses viriles camaraderies : qu’on éventre et qu’on ripaille, donc.
Quant au technologies modernes, elles sont tout simplement balayées du récit. Des capes et des pets, et puis c’est tout.

«L’Homme couvert de femmes» est en fait un petit traité de socio-sexologie de l’époque. Aristocratie rebelle en putréfaction, après-guerre, communisme en plein essor qui séduit fort la descendance royaliste (conduisant Drieu au fascisme), perte de repères. Maëlstrom de l’entre-deux guerres : quelque chose de pas fini...

La force de Drieu tient dans le décorticage des caractères, des névroses, des jeux de séduction. Gille s’est rencontré, contrairement à tous ceux qui passent leur vie à s’ignorer totalement («Moi? Connais pô...») et se connaît fort bien, c’est ce qui trouble. L’écriture, ourlée de tournures impromptues, dentelée de désordres, se prête à la lecture à haute voix.
Nul mépris chez La Rochelle. Aucun des intrigants présent dans le château n’est rendu haïssable ou particulièrement sympathique. Simplement ils sont là, atteints des symptômes de leur Temps comme d’une Peste en sourdine. Pierrot-Gille se tire dans sa voiture (est-elle à bras? à cheval? à moteur?), ouf.
Latrouille
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le 12 mars 2013

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