L'homme désœuvré (Aylak Adam), publié en 1959 est le premier roman de Yusuf Atılgan (1921 – 1989). On y suit un homme, désigné par une initiale, riche héritier qui erre ou flâne, dans les rues d'Istanbul, à la recherche de quelque chose. Désœuvré, parce qu'ayant assez d'argent pour vivre jusqu'à la fin de ses jours, il n'a pas besoin de travailler, il se contente de vivre, ou plutôt cherche à vivre comme il faut. Il observe les personnes dans la rue, se pose des questions sur eux, sur leur vie, fume, se rend dans les cafés, dans les pâtisseries, dans les tavernes, au cinéma, boit du raki ...
Il lui arrive de se battre aussi et de suivre des femmes dans la rue. Mais ce n'est pas un obsédé sexuel. Ce qu'il cherche, c'est le grand amour. Il croisera le chemin de deux d'entre elles, Ayşe, peintre, et Güler, étudiante. Il vivra en deux périodes deux idylles avec elles, mais ce ne sera pas suffisant. Il continuera inlassablement à chercher la femme.
Ce court roman aborde les thèmes de l'amour impossible, de la solitude, du bonheur et du sens de la vie. Au niveau de la construction et de la narration, on a le point de vue du personnage principal, et la technique du courant de conscience (stream of consciousness) théorisé par William James et utilisé notamment par Joyce est fréquemment employée ici. On a le droit également au point de vue d'autres personnages par l'intermédiaire de lettres ou d'extraits de journal intime.
Comparé par certains à l'Étranger de Camus (sorti en 42), il s'agit certainement d'un grand roman existentialiste de la littérature turque moderne.
Atılgan publiera ensuite un second roman, L'hôtel de la mère patrie (Anayurt Oteli) en 1973 et mourra d'une crise cardiaque avant d'avoir achevé son troisième roman Canistan.