Le supposément "Idiot" est le seul personnage qui se comporte de façon sensée...
J'ai toujours été boulimique de lecture mais quand j'étais plus jeune, je lisais vraiment tout ce qui me tombait sous la main, que ce soit du Sartre ou du Dumas, des grands classiques ou des romans de gare. Normal, j'étais jeune, je lisais tout et n'importe quoi : je me forgeais tranquillement une culture sans a priori.
Un jour, ma prof de français (qui était très snob et un peu conne... ou peut-être le contraire ?) à laquelle j'avais dit que j'étais en train de lire du Barjavel, m'avait répondu d'un ton hautain que j'ai fort peu goûté : "Barjavel, ce n'est pas assez bien pour vous, Dame de Piques, vous pouvez faire beaucoup mieux. Essayez donc un peu la littérature russe." Bravo pour l'ouverture d'esprit : seuls les classiques reconnus vaudraient la peine d'être lus, le reste est automatiquement pourri...
Mais comme MOI j'étais ouverte d'esprit, j'ai donné sa chance à la littérature russe... et donc à l'Idiot.
Ce livre est consternant.
Déjà : le titre. L'Idiot, c'est le héros. Je trouve ça assez injuste. Certes, il n'est pas d'un charisme transcendant. Certes, il est plutôt amorphe. Mais parmi la galerie de personnages que l'on rencontre, c'est encore lui qui prend les décisions les plus raisonnables. Souvent la décision est celle de ne rien faire, mais quasiment tout le reste du casting agissant de façon complètement illogique et imprévisible, il donne plutôt l'impression du mec posé et réfléchi.
Le pitch :
Notre héros est un Prince sans le sou. Il est amoureux d'une belle courtisane.
- Que fait le Prince ? il la demande en mariage.
- Que fait la belle Nastassia ? elle accepte.
Jusque là, ça se tient. Attention, c'est là que ça devient barge...
Le Prince hérite d'un gros tas de sous.
- Que fait Nastassia : "ah ben non maintenant que tu es riche tu es trop bien pour moi, je préfère m'enfuir avec Rogojine" (Rogojine est un type que le Prince a rencontré juste avant et avec lequel il est plus ou moins devenu pote sans raison valable)
Le Prince est riche et amoureux mais sa fiancée a disparu, que fait-il ? Il se met à sa recherche. Quand il la retrouve, dans une maison ou elle vit avec Rogojine, on apprend que :
- Rogojine aime Nastassia
- Nastassia déteste Rogojine
- Nastassia aime le Prince
- Rogojine sait que Nastassia le hait et aime le Prince : ça le rend très malheureux (je crois même qu'il la bat ? mais peut-être que je me trompe...)
Du coup le Prince réitère sa demande en mariage.
Nastassia refuse encore et préfère rester avec Rogojine : "Justement parce que je t'aime, je préfère ne pas t'épouser et rester avec un type que je ne peux pas encadrer".
Du coup le Prince renonce, et après une absence de rebondissements qui dure de looongs chapitres (passés dans la haute société russe), il se retrouve fiancé à une fille de la haute, qui a l'air relativement équilibrée par rapport à Nastassia.
Mais voilà, Nastassia a appris le mariage du Prince et elle est horriblement jalouse. Du coup elle débarque en ville, apportant le scandale avec elle et cherche à faire capoter le mariage. Elle y réussit finalement au court d'une confrontation entre les trois protagonistes qui se veut tragique mais n'est que ridicule.
Donc le mariage avec la fille bien est à l'eau, et le Prince se retrouve de nouveau fiancé avec Nastassia, qui a finalement accepté (c'était la seule solution pour briser l'autre mariage). Serait-elle devenue raisonnable ? se demande le lecteur que tous ses atermoiements commencent à lasser. Que nenni !
Se trouvant toujours indigne du Prince (ce qui ne l'a pas empêchée de briser son mariage), elle envoie un message à Rogojine et le jour du mariage, Rogojine débarque à cheval et l'enlève juste devant l'église. Quand le Prince les retrouve le soir même, Rogojine jaloux a tué Nastassia parce qu'il savait qu'elle ne l'aimerait jamais. Et, évidemment, il est très malheureux qu'elle soit morte, puisqu'il l'aimait.
Fin.
Moi j'aurai appelé cela l'Idiote, parce qu'il n'y a pas une seule action de Nastassia qui soit logique.
Quand j'ai refermé le livre, je me rappelle avoir été surprise de retrouver le monde normal, et avoir eu besoin d'aller parler à quelqu'un pour me rassurer sur mon état mental.
Sérieusement, je suis à fond pour les personnages déchirés, et les fins façon tragédie grecque, mais là... non. Juste non.
En plus, je ne sais pas si le texte perd à la traduction ou pas, mais qu'est-ce que c'est loooong...
Bref, pour découvrir la littérature russe, je recommande Gogol, c'est beaucoup plus concis et souvent drôle. Ou sinon, Barjavel, c'est bien aussi, il ne faut pas croire les profs de français...