La Mort du Spectateur
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le 13 févr. 2019
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L'inspecteur des inspecteurs (en turc Müfettişler Müfettişi) est le 22è roman du prolifique Orhan Kemal. Il a été publié en turc en 1966. Je l'ai lu pour ma part dans une édition française financée par le Ministère de la Culture turc traduite par Jean-Louis Mattei en 1995 et qui vaut sont pesant de cacahuètes tant elle est truffée de fautes et d'erreurs de typographie - notamment, les espaces entre les mots ne sont pas toujours respectés - (on voit que ceux qui l'ont fait imprimer ne parlaient pas la langue) que le comique du fond rejoint la forme. Il faut d'ailleurs lire la préface écrite par le ministre de la Culture de l'époque pour commencer à se plonger dans l'univers que décrit l'auteur tant il écrit comme les personnages que ce dernier décrit.
Il raconte l'histoire d'un type qui descend du train dans une préfecture d'Anatolie dont le nom n'est jamais donné et qui va passer pour un inspecteur. Mais inspecteur de quoi ? Il va d'abord se rendre dans un troquet où on sert un vin infect et où les conditions d'hygiène sont déplorables et toucher un bakchich pour ne pas faire de rapport. Il se rendra ensuite à l’hôtel, mais encore une fois, l'hygiène laisse à désirer et l’hôtelier lui proposera de dormir chez lui pour éviter un scandale. Sauf que c'est chez lui que se trouve le scandale puisqu'il héberge sous le même toit que sa femme sa jeune maîtresse... On se demande ainsi s'il est la pour l'hygiène ou pour autre chose et on finit par décréter que c'est l'inspecteur des inspecteurs.
Avec cette corpulence, cette arrogance, ses grandes chaussures jaunes surtout qui faisaient ziit ziit ziit quand il marchait, il était impossible que cet homme fut un simple inspecteur. p.23
Le roman, un peu picaresque continue comme ça allant de situation en situation vaudevillesque. Il nous présente des personnages typiques de la société turque tel que le patron de l’hôtel qui héberge sa maitresse, le patron du troquet et ses clients, Mistik la Teigne le chauffeur qui repend toutes les rumeurs dans la ville plus vite qu'une trainée de poudre.
Le vocabulaire de Kemal est fleuri : il aime faire appel aux expressions populaires, dictons turcs dont le livre est truffé et utilisé à outrance par les personnages (il rappelle en cela par moments Yasar Kemal par son style).
À la vérité, ils n'avaient rien à se reprocher pour avoir peur et ne se sentaient pas directement concernés, cependant ils n'étaient ni partisans de voir le diable, ni partisans de faire la prière. Le serpent qui ne les touchait pas pouvait vivre mille ans !
La seconde partie du livre se déroule à Istanbul lorsque l'"inspecteur" rentre chez lui après sa tournée et c'est l'occasion d'une autre galerie de personnages puisqu'il retrouve sa bande d'amis, son épouse maigrichonne (dont un œil dit zut à l'autre), ses trois enfants indignes et surtout sa mère chérie-adorée. Ce sera l'occasion d'en apprendre plus sur la vie privée de l'inspecteur à travers des scènes de ménage savoureuses. Mais le personnage le plus important reste bien sûr l'inspecteur qui finit presque par être attachant et qui m'a parfois rappelé le personnage d'Ignatius dans La conjuration des imbéciles. Cette satire de la société et critique des institutions rappelle évidemment le Sabahattin Ali de Yusuf le taciturne. Le livre, vous l'avez compris, très théâtral donna lieu à plusieurs adaptations sur scène. Un grand livre de la littérature turque qui mérite sa place unique dans son paysage littéraire au même titre que L'homme désœuvré ou La moustache. Orhan Kemal inspira un autre Orhan, Pamuk celui-là, qui obtiendra le prix Nobel de littérature.
Ne me coupe pas la parole ! Il n'y a pas de classe riche ni de classe pauvre, il n'y a pas deux classes différentes dans ce pays ! Devant les lois de notre pays, il n'y a qu'une seule masse soudée, formée de citoyens égaux. Et cette masse forme l'ensemble de notre chère nation turque, tu as compris ?
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Créée
le 13 nov. 2024
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