L’hypothèse est simple : il existe un lien fort entre les différentes structures familiales et les divergences religieuses, culturelles, économiques et idéologiques en Europe occidentale durant les années 1500-1990.
Todd dénombre quatre structures familiales à partir de deux caractéristiques : l’autorité du père (autoritaire ou libérale) et l’égalité (ou inégalité) entre les frères.
La famille souche par exemple (autoritaire et inégalitaire) sera le terreau du protestantisme. Todd l’explique simplement par un glissement des valeurs du plan familial au plan métaphysique : l’autoritarisme (ou le libéralisme) du père devient celui de Dieu et l’inégalité (ou l’égalité) des frères devient celle des hommes. Il est donc logique qu’une doctrine prônant un Dieu tout-puissant et des hommes inégaux devant le salut soit facilement acceptée par ce type familial.
En croisant les données, en étayant ou en nuançant le propos si besoin, Todd analysera de façon détaillée et apolitique l’alphabétisation, la déchristianisation, l’industrialisation, l’apparition et le développement des idéologies.
D’une limpidité et d’une clarté désarmantes, étoffée de nombreuses cartes et de très (trop ?) nombreuses statistiques, L’Invention de l’Europe est une œuvre fascinante, une grille de lecture anthropologique indispensable pour qui s’intéresse à l’histoire et surtout à l’avenir de l’Europe.
Pour le plaisir la conclusion de Todd dans sa préface de 1995 :
« Soit la monnaie unique ne se fait pas, et L'Invention de l'Europe apparaîtra comme une contribution à la compréhension de certaines impossibilités historiques. Soit la monnaie unique est réalisée, et ce livre permettra de comprendre, dans vingt ans, pourquoi une unification étatique imposée en l'absence de conscience collective a produit une jungle plutôt qu'une société. »