"Conscience, plaisir, instinct ... Si toutes ces synthèses sont des synthèses complètes, c'est que la conscience, qui reste nocturne pour elle-même, est le propre sujet de l'ironie, tout en voulant être son objet. L'ironie, dit le rhéteur Hermogène de Tarse, est [truc en grec pas traduit] ou [encore du grec]. L'ironie est une activité spirituelle infinie, comme tout ce qui est de provenance mentale. Comment guérir notre myopie ? Apprendrons-nous à sourire même de l'instinct, à être un jour ironiste et non pas seulement bel esprit ? On y arrive, semble-il, par l'Économie et la Diplomatie. Appelons économie l'ensemble des aménagements temporels qui servirons à "normaliser" notre tragédie intérieure, soit en arrière, soit en avant. Dans le passé d'abord : nous restituons avec soin la chaîne des causes qui expliquent notre émotion ou notre croyance, pour en dissiper le prestige ; Spinoza le savait bien : l'importance exceptionnelle de la passion pour un coeur passionné se dilue le long d'un déterminisme qui relie l'un à l'autre l'alpha et l'oméga."
Voilà, ce livre c'est la révélation d'une vie. Franchement, arrêtez tout ce que vous faites et lisez Jankélévitch, vous en sortirez changés.
Plus sérieusement : 200 pages comme ça ...
On est pas loin du canular du physicien américain Alain Sokal "Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique".
Le but d'un essai n'est pas d'enflammer le lecteur à travers une esthétique maniérée : laissons cela au roman, à la poésie, laissons cela à la fiction. La philosophie dérive, se prend pour le centre du monde, s'éloigne des mathématiques, s'arroge le privilège du style. Quelle erreur. On a vu trop d'intellectuels adopter un style brumeux, pour rien, pour enrober du vide. Un essai devrait être efficace, simple, clair, structuré, tenir plus de la démonstration mathématique que du lyrisme littéraire. Un essai ne devrait pas être écrit pour flatter son auteur ou la tripoté de lecteurs pseudo-intellectuels qui le porteront aux nues.
Je ne dis pas que tout est à jeter dans le livre. Il y a des passages qui m'ont parlé, mais c'était 5% de la masse ... Mais peut-être que c'est moi qui n'ait pas compris, qui n'ait pas le bagage nécessaire (j'avoue humblement n'avoir qu'une formation limitée en philosophie). Mais justement : le but d'écrire un essai : est-ce de transmettre des idées à ceux qui se les sont déjà appropriées, ou aux autres ? Était-il vraiment impossible de transmettre les mêmes idées avec plus de clarté ? Comprendre ce texte me parait impossible sans formation poussée, à supposer qu'il y ait bien quelque chose de consistant à y trouver.