Parmi le vaste édifice qu'est l'œuvre d'Ursula Le Guin, autrice phare de la SF américaine, il est un roman qui mérite d'être redécouvert, trop souvent considéré comme mineur : L'Œil du Héron. Paru en 1977 et édité chez nous en 1983 aux éditions de la Cité, il faudra ensuite attendre 2021 pour que les Moutons Electriques s'attèlent à ramener ce roman édifiant sur nos vertes contrées. Il revient une nouvelle fois encore, cette fois dans une mouture flirtant entre le format poche et le grand format, affublé d'une illustration de couverture signée Melchior Ascaride.
La planète Victoria reçut deux vagues de colons de la Terre : d'abord deux navires de prison qui fondèrent une colonie pénitentiaire, puis un bateau d'exilés politiques. Les descendants des prisonniers habitent principalement la Cité, tandis que les descendants des exilés politiques, le « Peuple de Paix », habitent la ville de Zona. Ces derniers, dont l'activité principale est l'agriculture, veulent établir une autre vallée plus loin de la ville, mais se heurtent à la répression des habitants de la Cité. Au travers des yeux de Luz, de Vera ; de Falco ou de Lev, quel sera l'avenir de cette nouvelle humanité ?
Si l'Œil du Héron possède déjà les éléments clés de la littérature de Le Guin, il garde une place importante dans son œuvre globale, ayant été durant son écriture un déclencheur pour l'autrice quant à la trame des personnages féminins dans la littérature, comme elle en témoigne dans cet échange (SPOILER ALERT) (https://roommagazine.com/fantasy-and-piety-an-interview-with-ursula-k-le-guin-4/). Enfin, au-delà des considérations féministes, il y a aussi la plume unique de Ursula qui transforme ce récit de rébellion pacifiste en lutte humaine pour mettre fin à son cycle de mépris.
Empreinte de réflexions sur la question de genre, sur l'altérité entre homme et femme et sur les constructions sociétales, L'Œil du Héron élève son récit, tel ce majestueux oiseau.