Première surprise, mais vite passée, il ne comporte aucune illustration ! le texte propose une telle analyse de chaque œuvre, de ses origines au processus de création qu'on l'oublie dès les premières pages.
J'ai beaucoup appris sur un personnage dont la renommée dépasse aujourd'hui largement les frontières nippones et qui globalement se livre très peu sur lui-même. Rien d'étonnant pour un japonais, me direz-vous ! L'auteur nous apporte malgré tout une mine d'informations pour nous permettre de faire un lien avec les thèmes abordés dans ses ouvres. Miyazaki est né en 1941, au cœur d'un Japon dévasté par le conflit mondial. Son père travaillait dans l'aéronautique et fournissait des pièces aux avions de guerre japonais, un contexte qui l'aura fortement influencé et qui fera de l'aviation un thème omniprésent dans ses films, en particulier son tout dernier, le Vent se lève (2013), certainement le plus autobiographique. Dans une autre mesure, son enfance fut marquée par la maladie de sa mère qui souffrait d'une forme de tuberculose et qui fut durant trois ans hospitalisée. Ce combat mené contre la maladie se retrouve dans Mon voisin Totoro (1988) où la mère des deux fillettes traverse la même épreuve. C'est malgré tout l'image d'une femme forte que Miyazaki dépeint dans ses œuvres. Très tôt ses productions se différencient sur ce point de ce que produit habituellement la japanimation tant les femmes sont mises à l'honneur en tant que personnages clés.
À travers différents focus, on découvre de nombreuses collaborations au cours de la carrière du réalisateur, à commencer par celle qui a abouti à la formation du studio Ghibli. Joe Hisaishi, compositeur attitré que j'apprécie énormément, a écrit l'ensemble des bandes originales de ses longs-métrages. Hideaki Anno a également croisé son chemin. Parmi ses œuvres les plus connues, Evangelion, Nadia et le secret de l'eau bleue, encore des productions qui ont marqué mon adolescence. Notons tout de même quelques divergences avec Mamoru Hosoda. Un mal pour un bien quand on sait que ce dernier réalisateur a ensuite produit le Garçon et la Bête ou encore Miraï, ma petite sœur.
Ce que j'ai également apprécié dans cet ouvrage très complet de Gaël Berton, ce sont ces focus sur les traductions parfois hasardeuses du japonais qui ont ôté du sens aux films. Attention, ce qui va suivre fut une révélation pour moi ! Porco Rosso (1992) est certainement l'un des titres qui m'a le plus émerveillée. J'ai pourtant trouvé la fin décevante. Et pour cause ! Porco ne disparaît pas comme le laisse entendre la voix française dans les dernières minutes du film. Voici ce que dit la version japonaise : Marco, qui s'est lui-même infligé une malédiction et apparait sous la forme d'un cochon, retrouve son apparence normale. Son avion est parqué à l'arrière de l'Hôtel Adriano. D'ailleurs, Gina ne se trouve plus dans le jardin où elle passait ses après-midi à l'attendre ! C'est quand même une vision à l'opposé de ce que nous livre la version française !
En conclusion, je recommande cet ouvrage à tous les fans d'Hayao Miyazaki et du studio Ghibli. Ce livre vous fera à nouveau rêver à travers l'analyse très fine réalisée par l'auteur. Je regrette seulement des critiques faites à l'encontre des successeurs potentiels, à commencer par Goro, le fils de Miyazaki. J'ai pour ma part beaucoup aimé la Colline aux coquelicots (2011) et j'y ai retrouvé les mêmes émotions que dans n'importe quelle œuvre du père, alors ne fixons pas la barre à un point inatteignable. Mais comme le conclut si bien l'auteur, ce n'est pas dans la succession qu'il faut voir l'avenir du studio Ghibli, plutôt dans la transmission. Car des graines, Miyazaki en aura semé au japon mais aussi à l'international, de génération après génération. Je ne doute pas que les prochaines productions réussiront encore à nous transporter comme elles le font depuis plusieurs décennies !