Goût de concombre cru.
"La chouette aveugle" est un roman déroutant qui ne ressemble assurément à rien de ce que vous avez lu pour le moment (à mois que vous ne lisiez que du surréalisme depuis dix ans). Impossible à...
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le 1 avr. 2012
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Un livre splendide, emprunt d'un surréalisme éminemment poétique, qui travaille sur une conscience obsessionnelle rongée par l'idée d'une compagne adultérine. Cette idée n'est que le point de départ de pérégrinations mentales, voyages immobiles qui ravivent un passé recomposé strate après strate. Une oeuvre d'une modernité saisissante qui m'a rappelé les désarrois de Musil à bien des égards.
L'on perçoit déjà les germes de ce qui poussera Hedayat au suicide, à savoir, une introspection destructrice, un oeil intérieur qui ronge plutôt qu'il ne guérit; porteur d'un eros qui s'accompagne toujours de thanatos.
Ce court roman est à mon sens, une large mise en abime de l'écriture tant les correspondances poétiques d'Hedayat placent le lecteur en situation d'homologie narrative : à la manière de l'opium pour l'écrivain, le langage se doit d'être charmeur et déroutant, il doit dérouler la bobine hypnotique de motifs qui reviennent en leitmotiv : la cage au naja (symbole phallique), l'alcôve de la mémoire et de l'inconscient (espace physique et mental), les lèvres de concombre ... le tout forme une tresse folklorique et dangereusement envoutante.
Le roman aborde les thèmes de l'enfance et de l'éveil du désir mais aussi de la place d'Hedayat au sein du roman familial et des figures d'autorité. Le début de l'oeuvre joue sur une figure féminine cristallisée, magnifiée par la blancheur mort, avant de pourrir, la chair rongée par les vers (qui reviennent beaucoup) et cette scène incroyable du cortège funéraire porté par des chevaux infernaux ... Au fond, ce qui est chair devient pensée et le livre raconte cet aller-retour permanent entre misère et grandeur des souvenirs puis des corps.
Je note également un goût des anciens comme des persans modernes pour un psychédélisme divin, toujours lié à l'amour et à la conscience aigue d'une mort certaine. Le vin (chez Rumi) comme l'opium (chez Hedayat) plongent le sujet dans l'éther de la mémoire, pour s'arracher d'un présent trop douloureux ou trop morne. Les paradis artificiels offrent des plaisirs insensés, mais tracent les contours de la mort et de la putréfaction.
Sûrement un des livres les plus importants de la littérature persane moderne : 8,5/10
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il y a 3 jours
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