L'homme qui raconte son histoire travaille à la Commission Européenne. Il est responsable d'une unité de prospective. S'intéressant de près aux question de cybercriminalité et de cryptomonnaies, il est approché par des lobbyistes. Se refusant à donner suite à leurs sollicitations mais néanmoins intrigué par l'un des deux hommes qui cherchent à l'amadouer, il accepte un premier rendez-vous. Bientôt, il trouve une clé USB que cet homme a perdu. Une fois ouverte, icelle le questionne et le poussera à visiter une société chinoise à peine dissimulée par l'entreprise lobbyiste.
Réussir à passionner un lecteur avec des données techniques, des explications sur le bien-fondé et le rôle de la prospective, sur les cryptomonnaies comme le bitcoin, et les lobbyistes qui hantent les couloirs des lieux de décision est un exploit que relève allégrement Jean-Philippe Toussaint. Mon seul -minime- regret est que le titre ne s'écrive pas La clef USB, je préfère le mot clef écrit avec "ef" plutôt qu'avec le simple accent aigu. Le reste est comme souvent chez l'auteur une histoire où un homme se questionne sur sa vie. Il doit comprendre ce qui est important pour lui, et l'épreuve de la clef USB est un déclencheur. Et comme souvent, il fait cela loin de chez lui, hors de ses habitudes et même hors de ses usages et de son confort, puisqu'entre la Chine et le Japon. Cette fois-ci le contexte est technique et moderne, un peu anxiogène, mais c'est aussi l'époque du tout numérique qui veut cela. Absolument toutes nos actions et transactions sont numérisées, mémorisées par nos ordinateurs, nos mobiles intelligents. Pour qui n'a rien à cacher c'est sans doute une évolution normale, mais subsiste un doute que toutes ces données soient mal utilisées. C'est dans ce monde virtuel qu'évolue le héros de ce roman, en proie également à des questions beaucoup plus personnelles. Tout arrive en même temps et lui dont le travail est de préparer l'avenir pour des nations se retrouve à douter du sien.
Chez JP Toussaint, il y a surtout une écriture, une musique qui me plaisent. Ce dernier roman est assez loin des premiers de l'auteur que j'ai lus : La salle de bain, Monsieur, L'appareil-photo, beaucoup plus proche de sa quadrilogie avec Marie (Faire l'amour, Fuir, La vérité sur Marie, Nue -pas encore lu). Quel que soit le sujet de ses romans, je plonge et me laisse prendre aux mots et phrases avec un grand plaisir. Une expression assez mauvaise dit que certains acteurs ont tellement de talent qu'ils pourraient réciter l'annuaire et captiver leur auditoire, elle pourrait être étendue à certains écrivains, dont JP Toussaint.