Pour le non lecteur de Proust que je suis, intrigue pourtant par cette étrange période qui clos en tissage de contradictions le siècle possiblement le plus sublimement imbécile de notre histoire d’Occident - après le XXIe peut-être -, cette biographie fut un délice. L’admiration de son autrice pour son sujet, femme admirable tant d’intelligence que de sensibilité, ne cache pas ce qu’elle devait à son rang dans une société qui y accordait du crédit, non plus qu’à ses moyens, qui furent d’influence plus que de fortune, cette dernière, d’importance, n’appartenant qu’à son complexe mais brutalement butor mari. Tranche par le gratin - cette portion de la société qui s’en voulait seule définir les directions - de cette Époque dite Belle d’avoir été triste sous les jeux déréglées de la gaité ou de la quête mélancolique de l’idéal, le livre rappelle d’abord le décours de la vie, sociale et intime, de celle qui resta Princesse de Caraman-Chimay avant de devenir comtesse Greffulhe, une vie longue (92 ans) et chargée des tant de rencontres, recherchées et sollicitées, parmi les artistes, savants et politiciens de son temps. Il se concentre ensuite à détourer un caractère et un destin, portant plus particulièrement son analyse sur quelques grands thèmes, arts et sciences, politique, féminisme, douleur et solitude, et l’incontournable et passionnant rapport à Proust. Car la comtesse, qui fréquentait et promut l’œuvre de tant d’artistes de son temps passa totalement à côté du « Petit Marcel », dont elle aurait peu apprécié le style en volute, en aurait-elle aimé l’esprit. Ce qui n’empêcha pas ce dernier de parvenir à fréquenter son très sélectif salon, et faire, c’est l’hypothèse de Laure Hillerin, radicale, excessive peut-être mais stimulante, de celle dont il désirait tant provoquer le rire en cascade, le pivot central de La Recherché au-delà même d’en avoir distribué les traits sur la Duchesse et la Princesse de Guermantes. Se voyait ainsi accordé une forme d’immortalité du souvenir à celle qui n’aurait voulu l’obtenir que de son action dans le monde et la grâce de sa seule personne.