“La Couleur du Lait”, de Nelly Leyshon, est un objet littéraire non identifié (OLNI), un petit bijou un peu déroutant sur la forme. Parlons d’abord du fond : Mary est la cadette d’une famille de quatre filles, élevée à la dure dans une ferme miséreuse du Dorset, en Angleterre. Chaque jour, les quatre sœurs enchaînent du lever au coucher du soleil les corvées domestiques et agricoles, sous le regard éteint de leur mère et la brutalité de leur père. Seul son grand-père dépendant, qui partage leur petite maison, apporte un peu de joie et de réconfort dans le quotidien de la petite Mary. Sa vie bascule lorsque son père loue ses services au pasteur Graham, pour servir et tenir compagnie à son épouse malade. Mary découvre un autre univers, une maison confortable, des manières raffinées, un monde où le travail n’est pas physique mais intellectuel. La femme du pasteur se prend d’affection pour cette jeune fille simple et rusée, à la franchise déconcertante. Avec le pasteur, elle apprend la lecture et l’écriture, mais aussi certains aspects plus noirs de l’obéissance. Sur la forme, écrit sous la forme d’une confession, “La couleur du lait” est le témoignage d’une jeune fille de quinze ans soucieuse de livrer son histoire le plus fidèlement possible. La langue employée est brute, mal dégrossie (quel travail de traduction !), comme l’éducation de Mary, tout juste commencée et trop vite interrompue. Les phrases sont courtes, simples, dépourvues de majuscules et néanmoins percutantes et souvent drôles. Difficile de ne pas ressentir de l’empathie à l’égard de cette jeune fille atypique à la chevelure blanche et à la patte folle qui, malgré son ignorance et son manque d’instruction, fait preuve d’une lucidité admirable. Elle nous dépeint avec un franc-parler, à la limite de l’insolence, le monde dans lequel elle évolue avec ses codes, sa violence, sa rudesse. C’est avec beaucoup de simplicité et de sincérité que la narratrice nous confie sa courte et tragique existence, dont on ne peut dire plus pour ne pas dévoiler l’issue. Un texte court et poignant que vous n’êtes pas près d’oublier.

Sourismile
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le 10 août 2016

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