Deux êtres que tout oppose. Deux êtres dans deux mondes distincts dont seul l'amour les unie. C'est l'histoire de Kurt Gödel et Adèle Nimbursky. Kurt est l'un des plus grands si ce n'est le plus grand logicien que le monde ait connu, père du théorème d'incomplétude.
Ils auraient pu subir le triste sort de nombreux de leurs concitoyens juifs de Vienne, mais ils ont eu la chance d'arriver aux Etats-Unis, à Princeton après un long voyage glacial à travers la Russie en train, une escale au Japon puis en empruntant le bateau pour terminer leur périple sur une terre accueillante.
Ils auraient pu tout avoir pour être heureux. Eloignés des horreurs des agissements nazis, respectés par les américains de part le génie de Kurt, ils aurait pu refaire une vie, fonder une famille, construire un avenir commun.
Ce n'est pas ce destin qui les attendait. Kurt, terriblement atteint de trouble psychiatrique de paranoïa et de doute existentiel ne parvenait pas à profiter de ce qu'il avait, de ce que la vie lui a donné. Le travail était son seul moteur et raison de rester en vie. Quant à Adèle, l'ombre bienveillante, l'oreille amicale et la main tendue est toujours prête à le soutenir, le relever et combattre ses démons à ses côtés. Elle était non seulement l'infirmière d'un être qui ne guérissait pas et refusait les soins, mais elle s'est aussi entièrement sacrifiée à son mari. Sans enfant, elle a passé sa vie avec une seule mission: soutenir Kurt coûte que coûte, ne jamais baisser les bras malgré la solitude que son amour lui imposait, encaisser l'absence de reconnaissance, ravaler sa fierté et les critiques, s'effacer jusqu'à disparaître pour donner plus de force et d'énergie à Kurt qui, pour elle, en a plus besoin. Et faire cela jusqu'à se détruire, se donner sans recevoir, encore et encore jusqu'à vieillir seule à côté de l'être aimé qui n'est qu'un cerveau dans un corps fantomatique qu'elle ne reconnait plus.
Cette histoire d'amour qui semble unilatérale et misérable me montre à quel point l'amour peut être la mission d'une vie. Accompagner une personne aimée peut être le livre de notre vie que l'on écrit.
Kurt, l'homme le plus logique qui ait existé, a passé sa vie à réfléchir sur des éléments complexes et abstraits dont essayer de prouver l'existence de Dieu. Sa mission lui semblait tellement lourde de conséquences sur le monde et la compréhension du monde, et lourde à porter pour un unique homme, qu'il y a puiser toutes ses forces. Toute activité autre que cette mission semble en comparaison futile, terre à terre, une perte de temps et d'énergie. Comment un homme peut, lorsqu'il a la capacité intellectuelle d'avoir la chance de résoudre des énigmes profondes, trouver un intérêt à s'attarder sur les choses habituelles de la vie de tous les jours? Même sa personne est poussière à côté de sa mission. Il ne s'occupe plus de lui, alors comment s'occuper des autres?
Pourtant, jusqu'à la fin de leur vie, par dessus tout, ils se sont aimés à leur façon sans jamais douter de l'amour de l'autre même si la manière de l'exprimer n'était pas toujours facile à accepter.