On pourra reprocher beaucoup de chose à ce livre qui oscille entre opportunisme des sujets traités et panorama fascinant du monde contemporain des années 80 à nos jours. L'auteure utilise aussi des facilités flagrantes dans sa construction du récit en commencent par l'enterrement d'une des protagonistes et nous fait le coup du manuscrit retrouvé post-mortem. J'ai honnêtement failli même au départ lâcher des mains ce roman.


Influencé par ce titre bien trompeur, j'avais réellement eu peur de voir Catherine Cusset tomber dans le feel-good book. Heureusement, je connais déjà un peu l'écrivaine et très vite, on se rend compte qu'il n'en est rien. Mieux encore ! Le lecteur est vite happé par ces deux portraits évoluant en miroir d'un chapitre à l'autre, de deux femmes dont les destins communs ne se rejoindront que dans une seconde et dernière partie.


Catherine Cusset concentre en elles les maux et les joies de femmes dans des personnages aux traits contraires et communs à la fois. Leurs parcours sont donc tout à la fois particuliers mais ayant un écho universel. L'une, Clarisse, est très jeunes confrontés à la violence des hommes, d'une famille démissionnaire, vivant de déceptions affectives successives mais elle est épris de libertés et d'indépendance, loin des convenances. L'autre, Eve, d'une famille soudée, la tête sur les épaules, elle s'affirme dans ses projets professionnelles et connait la réussite professionnelle, forme un couple inséparable qui l'a poussa a abandonner son pays et ses proches pour partir à New-York mais s'interroge sur ses injonctions sociales et le désir féminin. Un lien très fort ne sera révélé que dans le dernier tiers du livre et pourtant il paraîtra naturel. En quelques pages, leur lien devient une évidence tant il est intense.


C'est un livre sur l'abandon aussi mais cette question ne saurait être développé sans en dévoiler trop sur cette histoire. Disons seulement que cet élément crucial du roman met en avant les conséquences divergentes qui en découlent. Tout un chacun ne vivra pas de la même manière l'abandon mais trouvera en l'autre un réconfort commun, un lien, ce lien qui manque à l'origine.


La romancière prend ainsi en main les enjeux du sort des femmes et du féminisme sans faire un livre manichéen et teinté de militantisme même si globalement les personnages masculins n'en sortent pas vraiment grandis, il faut bien l'avouer. C'est la vie dans ses meilleurs et pires moments, dans ses banalités et ses fulgurances aussi, qui se déroulent sous nos yeux. Ces destins nous touchent d'autant plus qu'ils sont nourris par des personnages principaux bien détaillés dans leurs quotidiens et attachants dont on suit les parcours sur près de quarante ans. Quarante ans durant lesquels les évènements historiques contemporains vont s'entremêler de façon plus ou moins subtiles, au détour d'une phrase ou sur plusieurs paragraphes: le 11 septembre 2001, la guerre en Irak, les attentats du 13 novembre 2015, l'élection de Trump, le coronavirus ...
Ce roman est bel et bien un récit encré dans ses époques, empruntant les éléments clés qui l'y rattachent. Il permet de mettre en contexte et dans un temps long la vie de ses protagonistes et, par la même, le sort des femmes occidentales particulièrement.


Alors oui au niveau du style et de la structure narrative on a connu Catherine Cusset plus en forme. Mais comme le dit la critique du journal Le Monde Raphaëlle Leyris :



" On peut n’en pas moins prendre un profond plaisir à lire un texte
qui emprunte des recettes narratives éprouvées, lesquelles permettent
au lecteur de se glisser dans le récit comme dans un bain maintenu à
une température idéale, n’exigeant pas d’adaptation."



La formule est un poil maladroite parce qu'il ne faudrait pas passer à coté du fond bien dramatique de ce récit relatant entre autre la banalisation et le mécanisme de l'horreur des violences faites aux femmes. Il fallait bien une auteure comme Catherine Cusset pour enrichir par sa plume le paysage littéraire actuel de cette cruciale question.

StanDC
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le 10 oct. 2021

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