Durant les presque deux siècles que dura la démocratie athénienne, aucun citoyen d'Athènes n'aurait été assez innocent pour vivre sous la coupe d'une oligarchie et de ses intérêts particuliers tout en se persuadant qu'il était le libre citoyen d'un régime démocratique. Personne n'ignorait en effet que l'émergence de tout pouvoir oligarchique condamnait par nature l'existence de toute démocratie réelle.
L'engagement personnel de chacun dans la vie politique des assemblées populaires garantissait pour le moins ce genre de lucidité.
Si diverses formes oligarchiques, durant cette période, tentèrent de s'emparer du pouvoir, elles durent le faire en leur nom et sans pouvoir prétendre d'aucune manière représenter la démocratie. La seule démocratie reconnue était en effet la démocratie directe qui bannissait (littéralement) toute forme de représentation et de pouvoir séparé du peuple des citoyens.
De quelle manière fonctionnait cette société dont le rayonnement dans l'histoire de l'humanité reste si essentiel, voilà ce que ce livre, aboutissement de vingt-cinq années de recherche, s'applique à mettre en lumière.
Quand à l'usage qu'il serait possible de faire de ce savoir en notre époque, voilà qui reste de notre entière responsabilité.
Beaucoup aimeraient faire abstraction, considérer comme accessoire ou subsidiaire, l’application stricte qui fut faite à Athènes de la démocratie directe ; séparer cette particularité politique se posant dans la durée, de l’extraordinaire grandeur de cette époque, de la prodigieuse floraison de la pensée, de l’art sous toutes les formes qui le caractérisent, et à tous les niveaux de la société.
Comment nier pourtant que dans une société où la citoyenneté est effective et quotidienne, où chacun a voix et pouvoir décisionnel sur l’organisation et le devenir de la cité au même titre que tout autre citoyen, où toutes confiscations et détournements de pouvoir au profit d’un groupe ou d’individus particuliers sont rendus impossibles, comment nier donc qu’une telle société se montrera incomparablement plus créative et vivante ; à tout moment, partout et pour tous.
Les partis, quels qu’ils soient, le nieront – les groupes d’intérêts et lobbys diverses le nieront – de même les communautarismes de tous poils, les politiciens «professionnels» - aussi la logique marchande et la domination implacable du «marché» qui ne domine que par la séparation du tous contres tous, par la servitude, et qui ne peut que haïr toute véritable démocratie.
Voilà donc bien les ennemis de la démocratie directe, ceux qui ne peuvent que vouloir la rejeter aux oubliettes ; ceux qui derrière leurs discours «démocratiques» méprisent profondément le peuple et font tout pour le rendre effectivement méprisable en le maintenant dans la servitude.