Il y a des romans qui vous parlent, le livre de Faïza Guène en fait partie. Ce récit m'a vraiment touché, tout d'abord par la qualité de l'écriture, simple, toujours juste, toujours vraie, emplie d'une douceur, celle de l'amour ; et surtout par le personnage central Yamina.
Faïza Guène va donc nous conter l'histoire de cette femme algérienne de bientôt soixante-dix ans et en parallèle nous allons suivre ses quatre enfants. Yamina ne se plaint jamais, comme si cette option lui a été retirée à sa naissance. Elle n'a que son amour a offrir à ses enfants, avec un peu de chance l'amour leur fera oublier les humiliations.
Omar, trente piges, le seul garçon est chauffeur Uber, un job temporaire depuis deux ans ; Malika l'aînée de la fratrie, elle a été mariée à dix-sept ans, elle est celle qu'on remarque le moins, elle n'a jamais fait de vague. Hannah elle a toujours un temps d'avance, elle a toujours pigé plus vite que les autres, particulièrement sensible, elle ne veut pas que ses futurs enfants futurs, héritent de cette colère qui lui dévore les tripes. Imane la cadette, elle aurait dû être un fils, elle a le sentiment de décevoir en permanence
Et puis il y a Brahim, le père, il est encore beau, il ne dit pas nécessairement les mots qu'il faut, mais son réconfort est dans le coeur de Yamina.
L'histoire d'une petite fille débrouillarde, privée de son enfance par la guerre d'indépendance, obligée d'arrêter l'école pour aider ses parents à la ferme et élever ses frères et soeurs. À soixante-dix ans, elle rêve encore qu'elle a un cartable sur le dos. Un mariage arrangé après la prière du vendredi avec Brahim, un immigré de dix ans son aîné, l'arrivée en France dans un taudis où les murs pleurent d'humidité, où les souris se faufilent, les blattes surgissent de partout, un appartement qui même propre a l'air sale. Ce livre est l'histoire d'un déracinement, d'un arrachement à la terre natale.
« Je ne supporte plus que ma langue se meure de rester figée dans ma bouche, je ne supporte plus ma salive inutile, je meurs de ne pouvoir parler à personne, et même si la radio reste allumée toute la journée, je ne peux pas lui répondre. »
L'histoire de braves gens travailleurs, qui se font discrets, car ils se sentent invités en France et leurs enfants, la seconde génération, celle qui porte la colère, nés en France et qui ont l'impression d'être nulle part chez eux, ni en Algérie ni en France. Toujours devoir se justifier, montrer patte blanche pour éviter l'amalgame.
« Brahim a encouragé ses enfants, n'a jamais levé la main sur eux, les a poussés à étudier. La seule chose qu'ils peuvent lui reprocher est d'avoir été pauvre, et épuisé par le travail. »
C'est surtout une formidable histoire d'amour d'une mère pour ses enfants, elle a tenu pour qu'ils réussissent, qu'ils soient heureux et surtout indépendants. Un livre d'une grande sensibilité, tout en retenue. D'un petit village berbère à la banlieue parisienne un magnifique portrait de femme.
Faïza Guene a dédié son roman à son père, Abdelhamid, « mort de discrétion », voilà tout est dit… Un grand merci aux éditions Plon de m'avoir offert l'opportunité de lire ce livre.
« La Discrétion » de Faïza Guène. #rentreelitteraire2020 #NetGalleyFrance