Elle a 12 ans, son frère Alex, 6. Il y a de la terreur dans leurs yeux. Ils meurent de faim. Leur mère les brutalise. Ils trompent leur ennui avec des jeux dangereux. Elle vole pour améliorer son quotidien mais vit dans ses rêves et s’imagine une vie toute autre.

La fille sans nom déshumanise complètement l’héroïne de ce roman. C’est peut-être ce qu’a voulu l’auteur, ne pas donner de prénom à son adolescente qui devient au fil des pages une jeune femme. J’ai également l’impression qu’elle ne veut pas que le lecteur s’attache à cette fille. Pourtant, il y a quelques petites accroches mais bien minces, pour mon compte. Je me suis un petit peu attachée à elle. La fille sans nom pourrait être toutes les filles ayant vécu à cette période, dans ce pays, au sein de foyers identiques. Ce qui m’a plu chez cette jeune fille, c’est son envie d’aller de l’avant, de trouver des refuges dans les livres, dans l’imaginaire, pour fuir un quotidien plus qu’instable, une mère qui rabaisse ses enfants, une femme qu’elle connaît par coeur et dont elle se méfie tout le temps. Elle a un sacré caractère. Elle se construit et oscille entre faire confiance aux autres et avoir des amis ou rester en retrait pour ne pas souffrir. Elle sait qu’elle pourrait réussir si elle travaillait mieux, mais elle n’en a pas envie. Elle fait comme bon lui semble. Elle n’a aucune attache à part ses frères, et encore. Elle pense toujours à cette mère qui la bat, qui ne la pousse pas vers le haut. Elle veut, malgré tout, lui faire plaisir, en lui envoyant des cadeaux. On a l’impression qu’elle se languit d’elle, de la vie qu’elle menait auprès d’elle, surtout lorsqu’elle rencontre des gens qui lui apportent un peu de réconfort. D’un autre côté, elle connaît cette mère à fond et ses nombreux défauts. Elle n’hésite pas à fuguer et ensuite à mentir. Une jeune fille qui se retrouve, tout de même, abandonnée, qui doit trouver sa place dans un foyer où elle passera de nombreuses années. Ah bien sûr, il y a les vols, les mensonges… mais que ne ferait-elle pas pour améliorer un tant soit peu son quotidien et celui de ses frères ? Ils manquent de tout et surtout ils ont toujours faim. D’ailleurs, elle aura toujours cette sensation. La fille sans nom doit se construire, portée par ses rêves, son amour de la littérature.

L’auteur ne la juge pas, loin de là et les lecteurs non plus. On se demande comment peuvent vivre, survivre, les enfants face à de tels parents, face à cette mère qui ne pense qu’à elle, qu’à ramener des hommes chez elle, à les chasser, à boire et surtout à martyriser ses enfants lorsqu’elle est réveillée. Ce qui est vraiment dommageable pour ces enfants, c’est que l’espoir est toujours anéanti. Pas étonnant qu’ils comprennent tout, se révoltent, qu’ils soient en colère de ne pas être aimés par la famille et les amis de l’école. Ils souffrent continuellement et comment ne pas faire souffrir les autres dans ce cas. C’est un système d’auto-défense car ils ont peur de se ridiculiser, de ne pas être compris. Cette souffrance morale engendre également une souffrance physique car ils ne grandissent pas de la même façon que les autres. Ils sont en retard.

Les chiens ne font pas des chats. Cette phrase est peut-être réductrice, mais c’est le sentiment que me procure ce premier roman. Rien ne change. On dirait que le schéma familial se reproduit. Qu’en sera-t-il le jour où elle aura des enfants, si elle en a ?

Je ne garderai pas un souvenir impérissable de ce premier roman d’Angelika Klüssendorf. Le roman est très court, c’est vrai et en un peu plus de 200 pages, tout est dit. La plume est malheureusement assez répétitive.
Angélita
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le 14 févr. 2015

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Angélita

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