Ce livre écrit par le prix Nobel de littérature 2015 a beaucoup d'intérêt à l'heure où l'armée russe a envahi l'Ukraine. Basé sur de nombreux témoignages d'hommes et de femmes qui ont vécu sous le totalitarisme soviétique, il permet de mieux comprendre l'état d'esprit des russes et, surtout, explique en filigrane ce qui a poussé progressivement Vladimir Poutine à vouloir recomposer une partie de l'ex URSS, avec l'assentiment implicite d'une partie de la population. Deux événements historiques majeurs sont au coeur de la plupart des près de 700 pages de cet ouvrage : la fin de la seconde guerre mondiale et la chute de l'URSS fin 1991.
Le peuple russe estime en effet ne pas avoir été traité à sa juste valeur après la victoire de ses soldats sur le nazisme et être resté pauvre tandis que les occidentaux, qui leur doivent de ne pas être tombés sous le joug nazi et n'ont pas connu l'enfer de cette guerre soviéto-germanique, se sont enrichis dans le même temps. L'écrivaine insiste sur ce ressentiment qu'ils ont conservé à leur encontre et qui explique en partie leur tempérament fataliste et le culte de l'homme fort qui leur rend leur honneur, qu'il s'agisse de Staline ou de Poutine. Ils ont également très mal vécu la chute de l'URSS, pointant du doigt Michael Gorbatchev dont ils n'ont pas conservé un bon souvenir, d'une part parce qu'il les a économiquement affaiblis mais aussi parce qu'ils se sentaient éloignés de ce président qui prônait le développement du capitalisme.
Il faut lire ce livre pour appréhender le malheur éternel de la population russe et voir avec un autre regard la dramatique actualité en Ukraine.