Saraybosna, difficile de faire mieux.
Avec tout ce que ça implique de personnel, il s'agit probablement du meilleur livre que j'ai eu l'occasion de lire.
Injustement éclipsé par "Le Derviche et la Mort" hors des Balkans, "La Forteresse" apparaît pourtant comme un roman philosophique plus abouti dans sa narration. Malgré des contextes et des postulats de départ assez similaires, les deux livres divergents dans leur conclusions. On passe du thème du pouvoir corrupteur à celui de l'amour transcendant et, finalement, du pessimisme à l'espoir. Mais les deux œuvres restent complémentaires. Avec le recul, j'ai même l'impression que les deux protagonistes ne sont finalement qu'un même personnage. Par la force des événements, par la force des choix, leurs destinés cheminent vers des conclusions opposés. D'un côté la tragédie, de l'autre l'incertitude.
Dans "La Forteresse", Meša Selimović met en scène les dilemmes d'une galerie de personnages tous plus ambigus et humains les uns que les autres. Sans jamais juger, ni donner l'assurance au lecteur qu'il s'agit de choix justes et moraux. Une collision entre le destin, l'humiliation, l'espoir et la violence, entre des personnages aux aspirations propres: ni bons ni mauvais, ni amis ni traîtres. Mais tous prisonnier d'une organisation sociale rigide et inhumaine. C'est vivant, le choix des mots est puissant, c'est abyssale.
Au delà du roman, c'est la réflexion sur la soumission et la nécessité, opposés à l'intégrité et à l'amour qui marque. Le tout sans écriture tortueuse créant une densité artificiel, avec un style clair, fluide et agréable, un choix de mots puissant et une traduction soignée qui permettent au livre de capter l'âme même des habitants de Saraybosna devenue Sarajevo.
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