On en ferait pas son livre de chevet, mais...
Un ouvrage dépassé, assurément. On nous y explique l'esprit français, on dénonce les auteurs qui le trahissent au profit de l'esprit allemand; on nous affiche l'apogée de la poésie XXème comme si cela allait durer pour toujours ; on parle d'objectivité, d'intention de l'auteur, de sincérité et de vérité en littérature. Bref, on est dans les années 40, la vague de la critique des années 60 n'est pas encore passée. C'est un peu comme se replonger dans une monde oublié.
En dehors de cela, Benda est un chercheur minutieux. Chaque argument est justifié, plutôt dix fois qu'une, le point de vue est clair. On pourrait voir parfois de l'excès ou de la mauvaise foi, mais quel critique ne l'est jamais?
Rationaliste sans limite, l'auteur traque les citations, attaque tous les genres - la poésie, le roman, les essais - et forme un front avec du Rousseau, du Racine, du Hugo et surtout, du Descartes. On en mange, encore, et encore, jusqu'à l'indigestion.
Si cet ouvrage fatigue, parfois - par ses notes interminables où Benda fait semblant d'être stupide - il a l'immense avantage de constituer une réelle attaque contre Proust, Valéry, Gide, Alain, etc., tous ces grands Dieux qu'on ne sait plus par quel bout prendre, qu'on peut ne pas aimer (et encore), mais qu'on n'arrive pas à attaquer : parce qu'attaquer Proust frontalement, et bien on n'en a plus vraiment le droit, ou plus vraiment le cran.
Alors, que vous soyez plutôt pour ou plutôt contre, même si vous n'arriverez pas énormément à le citer dans les copies et encore moins dans vos conversations (essayez déjà de placer le titre de trois lignes!), je pense que ce livre vaut le coup d'être lu, même un peu en diagonale, parce que mine de rien, J. Benda a encore des leçons à nous donner.